Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 51.djvu/866

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été doué d’une aussi puissante vitalité. Sans doute la langue zende, qui devint la sienne, atteignit à une certaine perfection, mais il ne lui fut point donné d’acquérir cette longue durée qui a fait la gloire de la langue sanskrite. Il s’y mêla une prononciation étrangère qui en altéra bien vite le vrai caractère, et il en sortit cette langue persane, molle et gracieuse, douce et facile, qui fut longtemps celle de la diplomatie dans tout l’Orient<ref> Ce fut l’islamisme qui imprima à la langue persane sa physionomie définitive en agissant sur elle exactement comme le latin agit sur la nôtre : elle tira de l’arabe les noms abstraits et les qualificatifs impliquant une idée morale, ce qui la rendit accessible à tous les peuples musulmans. Devenue analytique grâce à ces emprunts, la langue persane acquit une clarté relative, et que ne possédait pas la langue des Ismaélites, concise et symbolique comme celle des Hébreux, dont elle est sœur.<ref>. Ce fut pourtant par le zend que la langue grecque reçut ce qu’elle a emprunté à l’idiome primitif des Aryens, tandis que la langue latine paraît avoir puisé à cette même source par l’intermédiaire des peuples émigrans, partis aussi de la Haute-Asie, qui plus tard et par intervalles firent leur apparition en Europe.

Cette marche constante des peuples de race aryenne vers l’Occident a donc eu pour effet d’importer dans toute l’Europe des langues unies à celles des brahmanes et des guèbres par les liens d’une étroite parenté. Chaque nation les a altérées ou dénaturées à sa manière; elles n’en ont pas moins des origines communes et faciles à constater pour ceux qui connaissent les lois de mutation propres à chacun des idiomes modernes. La diversité des écritures, qui produit celle des orthographes, a beaucoup contribué aussi à obscurcir l’évidence de ces origines. Il faut encore tenir compte de l’altération qu’ont dû subir la plupart des mots pendant la période d’ignorance de ces nations émigrantes qui sont demeurées des siècles sans avoir de système graphique. Lorsqu’elles ont adopté une écriture, souvent mal appropriée à leur langage, ces nations avaient perdu la véritable orthographe de leur idiome natal, car c’est la peinture des sons vocaux qui en arrête la décomposition. Sans l’écriture, qui la soutient en lui donnant un corps, la parole humaine devient fruste comme une médaille altérée par le temps. De plus, on ne doit pas perdre de vue que les peuples de l’Europe ont eu les uns sur les autres une action réciproque; la guerre, le commerce, la communauté de croyance, ont amené des invasions, créé des relations plus ou moins intimes, qui ont agi sur le langage : de là l’introduction de mots nouveaux qui ne peuvent passer une frontière sans se plier à une nouvelle prononciation. Les origines véritables d’une langue vont donc se perdant de plus en plus; elles se cachent pour ainsi dire dans les vieux patois, qui tendent à dispa-