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cette vitesse. Les trains se suivent de près, avec une marche différente qui ne permet pas de maintenir entre eux une distance constante. Le train de marchandises parcourt de 20 à 25 kilomètres par heure: dans le même temps, le train express fournit le double ou le triple de ce trajet; entre les deux sont les trains omnibus et semi-directs. On n’a pas de peine à concevoir combien ces écarts de vitesse causent de difficulté dans l’exploitation. Qui ne sait que la plupart des collisions ont lieu entre les trains de marchandises et les express qui les poursuivent? Encore s’il n’y avait à craindre que les écarts réglementaires; mais il en est d’autres qui, provenant de retards accidentels, échappent aux prévisions : deux minutes perdues à huit stations donnent un total de plus d’un quart d’heure, et voilà deux convois qui se suivent à une distance d’autant rapprochée. Une production difficile de vapeur, due à un de ces incidens qui font le désespoir des mécaniciens, une rampe faiblement attaquée, le patinage des roues tournant sur elles-mêmes, lorsqu’à la traversée des bois et des tunnels elles n’adhèrent plus suffisamment aux rails devenus glissans, d’autres causes encore peuvent occasionner des retards. Les regagnera-t-on par une vitesse de foudre lorsque la machine aura recouvré sa puissance? En admettant que la prudence autorise cet élan à corps perdu, c’est en tout cas un nouvel incident qu’il faut ajouter à tous les autres dans le mouvement du service. Enfin il arrive à des trains de rester en détresse, cloués sur place pour ainsi dire; il suffit pour cela d’un tube qui crève ou d’une bielle qui casse à la locomotive. On voit donc combien d’élémens de perturbation multiplient les chances de ces collisions, où le train qui heurte souffre peu ordinairement, mais où le train heurté subit de si dures épreuves.

On verra par quelles mesures préventives on a réussi à rendre ces rencontres très rares. Quant aux solutions dites radicales du problème, que divers inventeurs ont préconisées, il suffira de les examiner brièvement. On a proposé d’abord un mode d’aiguillage propre à faire détourner spontanément, d’une voie sur l’autre, en n’importe quel point du parcours, les convois qui vont s’aborder. Cette idée, fréquemment soumise aux compagnies, semble à quelques esprits un préservatif infaillible contre les rencontres; mais la plus simple réflexion et le souvenir des calculs que nous exposions tout à l’heure suffisent à la faire juger. Admettons qu’un mécanisme ingénieux puisse opérer cet aiguillage : ne faut-il pas toujours compter avec cette terrible impulsion du train, qui le lance en ligne droite par-dessus ou à travers les obstacles? On ralentira, dira-t-on, pour s’aiguiller sur le parcours comme à l’approche des embranchemens; mais c’est supposer que l’on sera maître de la vitesse : dès