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et de littératures celtiques? Ce dernier point est pour les amis des études savantes l’objet d’amères réflexions. Il n’y a pas en Allemagne, je ne dis pas une université, mais une école d’un ordre élevé qui n’ait sa chaire de langues et littératures germaniques anciennes. Serait-ce que les langues celtiques possèdent moins de monumens, qu’elles donnent lieu à des problèmes de critique moins intéressans et moins variés? Non certes. Les textes écrits dans les quatre dialectes celtiques forment une masse presque égale à celle des anciens textes germaniques; ils remontent presque aussi haut, et sous le rapport de l’intérêt historique et poétique ils sont, selon moi, supérieurs. Eh bien ! ces trésors nationaux sont chez nous oubliés. Il a suffi de quelques exagérations niaises, des ridicules d’une ou deux académies celtiques au commencement de ce siècle pour jeter un discrédit complètement injuste sur ces études : nos vieilles langues indigènes ne jouissent pas du même honneur que le turc et le javanais; elles n’ont jamais été représentées dans notre haut enseignement.

Un riche Collège de France où rien ne soit donné à la frivolité, dont l’existence soit à peine connue du grand public, bien que personne n’en soit exclu, voilà donc le grand remède à cette infériorité dans les hautes études qu’un peuple jaloux d’être envié par les autres ne saurait patiemment souffrir. La raison qui fit créer le Collège de France au XVIe siècle est celle qui doit le faire durer. La renaissance avait créé une foule d’études et de méthodes auxquelles l’université refusait l’entrée dans ses établissemens. François Ier, au lieu de combattre directement par des mesures administratives l’esprit routinier de l’université, créa à côté d’elle un établissement rival, où les études nouvelles que l’on repoussait trouvèrent un asile. Ainsi se forma, comme par un concours de bannis, la grande école qui eut la gloire de représenter à son origine la plus haute culture de l’esprit humain. L’université, par exemple, fermait ses portes à l’étude du grec, parce que les bons docteurs n’avaient pas connu cette langue; le Collège royal eut la chaire de Danès. L’hébreu rencontrant des préventions plus graves encore, le Collège royal eut la chaire de Vatable. Les canonistes et les professeurs de droit romain s’obstinant à soutenir que le droit français n’existait pas et ne pouvait être enseigné, le Collège royal eut la première chaire de droit national, fondée pour de Launai. Ramus ayant vainement tenté d’introduire dans la philosophie universitaire un esprit plus libéral, le roi Henri II créa en sa faveur une chaire où il l’autorisait à poursuivre ses études selon le plan qu’il s’était tracé.

Loin de faire double emploi avec les établissemens de l’Université, comme on le suppose trop souvent, le Collège de France répond ainsi à des besoins d’un autre ordre. Son existence et sa pros-