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decin du chemin de fer qui, dans chaque localité, est à toute heure prêt à partir au premier avis. A la suite du wagon de secours vient, s’il y a lieu, la pompe à incendie, escortée par les agens de la gare, constitués en corps de pompiers sous le commandement du chef de gare, qui chaque semaine les fait exercer.

Le déraillement provient tantôt des avaries du matériel, tantôt du dérangement ou de l’obstruction de la voie. Les avaries du matériel sont prévenues par un contrôle et des mesures administratives déjà exposées dans la Revue, et sur lesquelles il n’y a point à revenir. La viabilité des rails est conservée de la même manière. C’était là un grave problème à résoudre, car la voie contient par kilomètre courant 1,500 pièces constitutives, sans même compter la plate-forme qui sert d’assiette à ces pièces et les œuvres d’art qui existent au-dessus et au-dessous. A quels efforts est soumis cet ensemble? Sur un seul point, celui que pressent les roues, la charge va jusqu’à 6,000 kilogrammes, et au passage d’un train 150 roues agissent ainsi sur la voie, avec des secousses brutales, sur une longueur de 350 mètres.

Les dérangemens de la voie ou du matériel ne sont pas les seules causes de déraillement. Croirait-on que certaines obstructions de la voie sont le résultat d’actes sauvages de méchanceté, et qu’en outre de mauvais plaisans s’amusent quelquefois à lancer du haut des ponts des projectiles qui souvent ont blessé des mécaniciens? Mais ce qu’il est le plus pénible de constater, c’est la légèreté avec laquelle les plaintes portées à ce sujet sont parfois reçues des autorités ignorantes des petites communes. Sommes-nous si loin du temps où les chemins de fer n’auront plus besoin d’être protégés par des clôtures coûteuses pour les compagnies et gênantes pour la circulation?

La mesure préventive essentielle contre l’obstruction ou le dérangement de la voie consiste dans une surveillance continue. Elle est exercée par des agens dits cantonniers, distribués de distance en distance sur le parcours de la ligne. Ces agens communiquent entre eux par des moyens convenus, ils sont surtout multipliés aux lieux fréquentés et dans les courbes, où l’œil n’embrasse qu’un espace restreint. Il ne faut pas croire que le cantonnier soit un simple manœuvre : choisi parmi les poseurs de la voie, il en connaît le mécanisme; il sait lire les ordres de service affichés dans sa guérite; assez robuste pour supporter la fatigue de ses longues factions et pour se faire respecter en cas de malveillance, il offre en outre par son sang-froid et son discernement toutes les garanties qu’on doit exiger d’un homme sur lequel repose une part de la sécurité publique. Il est commissionné, salarié à l’année, armé et assermenté, avec droit de dresser procès-verbal comme le garde champêtre.