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trains circulant sur une voie unique, voici, à titre d’exemple, une des mesures qui sont adoptées : un agent, un seul pour toute la section où le danger peut exister, accompagne successivement tous les trains, monté sur la locomotive, et portant un signal visible à tous. Cet unique agent, ce passeur ce pilote, sans lequel nul train ne circule, détruit donc radicalement toute possibilité de rencontre.

Avant l’emploi du télégraphe électrique, il arrivait aux trains de s’attendre indéfiniment aux bifurcations, et en cas de malentendu il ne restait d’autre ressource que de dépêcher un courrier d’un bout à l’autre de la section. C’était pour les voyageurs une pénible attente. Les fils électriques, sans diminuer la sécurité, ont rendu au service sa régularité en permettant d’intervertir au besoin l’ordre du passage sur une voie unique. Grâce à l’électricité, deux agens correspondent à distance et prennent même, s’il y a lieu, les ordres de la direction centrale.

Supposons que le chef de la gare de Blesme attende, pour expédier un train-poste vers Chaumont, l’arrivée d’un train de marchandises en retard qui doit venir de ce point par la voie unique : il appelle d’abord le stationnaire de Chaumont à l’aide d’une sonnerie électrique dont le bruit avertit l’appelé, fût-il à l’extrémité de sa gare. Parfois il arrive que les appareils, dérangés par un orage ou une autre cause, ne transmettent pas les signes ou les transmettent incertains ; les voyageurs entendent alors les agens dire : « Le télégraphe répond mal, restons en gare. » Enfin les deux stationnaires ont réglé l’un son manipulateur, l’autre son récepteur ; ils se comprennent, et la conversation s’établit entre eux en cette forme :

Le stationnaire de Blesme. — Votre train de marchandises n’arrive pas. A-t-il quitté votre gare, ou bien la voie est-elle libre pour que je vous expédie mon train-poste qui attend ici?

Le stationnaire de Chaumont. — Mon train n’est pas encore annoncé, la voie est libre, expédiez-moi votre train-poste; je garerai mon train de marchandises à son arrivée.

Le stationnaire de Blesme. — J’ai compris; garez votre train, je vous expédie le mien.

Le stationnaire de Chaumont. — J’ai compris; je garerai mon train, expédiez-moi le vôtre.

Avis est donné de ces dépêches aux mécaniciens et aux chefs des trains intéressés, aux agens du contrôle et de la surveillance administrative; on espère même qu’un jour l’électricité les communiquera directement aux trains en marche.

De telles mesures expliquent comment le danger des collisions de front a pu disparaître sur la voie courante. Restent les gares,