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taxes énormes que leur imposent à l’occasion les mandarins, ils se sont hasardés d’abord à ouvrir de petits comptoirs. On vit bien alors avec quelle promptitude ce peuple relève la tête après l’avoir pliée sous le malheur. Ils s’agrandirent rapidement, fondèrent des maisons pour brûler le thé, qui ne pouvait plus être brûlé dans la province, établirent des métiers de soie et garnirent les rues de boutiques. Tout a prospéré, et l’on peut prévoir que lorsque les réfugiés de la ville la quitteront, ceux des concessions garderont leurs magasins ouverts ou s’y feront représenter.

Le nombre des établissemens étrangers de commerce à Shang-haï est de cent cinquante; quinze de ces maisons sont françaises, et au premier rang se placent le Comptoir d’escompte et les Messageries impériales. Le succès des Messageries a été rapide malgré les présages fâcheux et les hypothèses malveillantes qui les déclaraient d’avance incapables de figurer à jamais à côté des navires de la Compagnie péninsulaire et orientale. « Il faudra du temps, disaient les Anglais et les Américains, pour que les capitaines de vos paquebots arrivent à la hauteur des capitaines anglais, et jusque-là le commerce hésitera à leur confier ses marchandises. » On parlait aussi contre la relâche de Saïgon : on prétendait que la rivière était si difficile, que les paquebots y échoueraient souvent; on exagérait l’insalubrité du pays, et l’on disait que respirer les exhalaisons des palétuviers, c’était s’exposer à des fièvres inévitables. La compagnie des Messageries impériales n’en a pas moins accompli son œuvre en dépit de toutes ces prédictions fâcheuses, et on ne saurait exprimer avec quel sentiment de joie les Français établis en Chine ont salué cette belle flottille de vapeurs que leur envoyait la patrie. En effet, ce n’était pas simplement une entreprise particulière de commerce qui allait s’inaugurer : c’était la France même, la France commerçante, qui venait hardiment porter son pavillon dans ces mers et jeter à ses négocians comme un pont pour les traverser. L’Impératrice le premier de ces navires qui parut à Hong-kong, fut déclaré par la presse locale un type d’élégance et d’installation, A son premier voyage, il emporta soixante passagers. Le Cambodge qui vint ensuite, en eut cent. Le troisième, l’Alphée, de dimensions inférieures aux autres, n’avait plus de places à Pointe-de-Galles, et rencontra heureusement le Cambodge qui revenait de Suez, et qui prit le surplus des voyageurs. A son second voyage, l’Impératrice comptait cent soixante-dix-neuf passagers. De tels résultats, obtenus en un an, font le plus grand honneur à la compagnie des Messageries impériales, et l’on ne peut douter du développement qu’elle prendra lorsqu’elle aura construit à Suez, à Saïgon, des chantiers, des bassins de radoub, et que le temps lui aura permis d’étendre