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encore des personnalités saillantes dans la famille politique portugaise ; celles dont je viens de parler sont les plus frappantes qui soient restées dans mes souvenirs.

Il y a quelque chose de remarquable et d’heureux dans cette nation aux destinées aujourd’hui si modestes : c’est l’accord qui existe presque toujours entre le prince qui la dirige et les circonstances au milieu desquelles il agit. Faut-il reconquérir le trône de sa jeune fille, Pedro IV, renonçant à son empire du Brésil, arrive en Europe, et tous ceux qui aspirent à un avenir meilleur viennent se ranger autour de ce prince d’humeur et de physionomie chevaleresques. Le trône est reconquis après d’héroïques efforts ; mais au lendemain de la victoire cette nature de soldat droite et forte ne semble guère propre à diriger les premiers pas des Portugais dans la voie du régime constitutionnel. La mort de dom Pedro appelle au trône sa fille, jeune princesse de quinze ans. C’est à dona Maria II qu’échoit la tâche difficile d’organiser la nation, et dona Maria se trouve précisément la personne la plus capable d’entreprendre et de réaliser avec décision et fermeté cette organisation. Le caractère entier et fier de cette princesse se révélait dans sa puissante nature. À chaque pas, elle avait à dompter ces personnalités bruyantes élevées dans les camps ou dans les orages d’une période de combats ; son courage ne lui fait jamais défaut. Entourée de dangers de toute sorte, elle ne faiblit point. « C’était une femme redoutable, me disait un de ses ennemis, et contre elle la lutte n’était point possible. » Tout en refusant de seconder les vues audacieuses de quelques-uns de ses sujets, elle n’abandonnait pas l’espoir de mettre en pratique les idées de son père, et, secondée par son mari Ferdinand, duc de Saxe-Cobourg, elle élevait autour d’elle une génération de princes qui assuraient l’avenir de la liberté et de la monarchie.

L’ordre rétabli, les passions se calmant, une ère nouvelle semblait s’ouvrir pour la reine dona Maria, lorsqu’elle mourut à l’âge de trente-quatre ans. Cette mort éteint les dernières haines. Le roi-époux, dom Fernando, devient régent, et son passage au pouvoir suffit pour faire apprécier les qualités de son esprit. Une sorte d’impopularité inexplicable aujourd’hui semblait avoir frappé ce prince. Il lui suffit d’être lui-même pour diminuer les préventions. Caractère conciliant et modeste, faisant bon marché des humiliations qu’il avait eu à supporter, il s’appliqua à guérir les dernières blessures des discordes civiles. Sa conduite fut telle que son fils dom Pedro atteignait sa majorité entouré d’une faveur populaire qu’il devait à la sage administration de son père. Ce prince, dont les qualités avaient brillé au pouvoir d’un si vif éclat, rentrait dans