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y a quelque temps, une commission chargée de lui faire un rapport sur l’influence hygiénique de la culture du riz. La commission parcourut de loin et vite les localités infectées, revint à Lisbonne, et écrivit un gros livre que personne ne consulte. »

À Coïmbre, je me séparai de mes deux compagnons de route, qui ne devaient s’arrêter qu’à Porto. Bâtie sur les bords du Mondego, au penchant d’une colline, Coïmbre est, comme presque toutes les villes portugaises, disposée en amphithéâtre. Le voisinage des belles carrières de calcaire qui se trouvent dans la gandara de Porthunhos lui a valu sans doute l’air monumental qui la distingue ; cependant la première impression que produit la ville est, à vrai dire, pénible. De tous côtés apparaissent de grands édifices délabrés à demi vides, transformés en casernes ou autres établissemens : ce sont les restes d’une vie monacale disparue. Il serait difficile aujourd’hui de compter tous ces cloîtres ; mais si les moines, les frères et sœurs de tous les ordres et de tous les costumes ont quitté Coïmbre bien malgré eux, la gent écolière est restée, et cela suffit pour donner à la ville un aspect très caractéristique. Un climat doux et salubre, les plaines fertiles, les montagnes pittoresques et les vallées verdoyantes qui entourent la cité universitaire doivent puissamment contribuer à développer l’imagination de ses jeunes habitans. Le roi Denis, qui fonda l’université, n’eût pu choisir pour cet établissement des conditions plus favorables. L’étudiant est chez lui à Coïmbre, et sa souveraineté n’est guère contestée ; la batina et la capa remplissent les rues de façon à en faire disparaître tout autre costume. Ce vêtement, introduit jadis par les jésuites, est peu en harmonie, il faut en convenir, avec l’humeur turbulente du jeune âge ; il se compose principalement d’une longue soutane noire, la batina, et d’un collet noir, la capa. Des bas de soie noire, des souliers à boucles et une sorte de long bonnet noir dans lequel on enferme des livres, complètent ce costume de séminariste. C’est dans la ville haute, autour de l’université, que l’étudiant réside avec ses maîtres ; il a bien voulu abandonner la ville basse, les bords du fleuve aux artisans, aux foutricos, comme il les nomme. Lorsqu’il daigne descendre de ses hauteurs, c’est pour corriger un rebelle de son royaume ou pour rosser le guet. L’étudiant est toujours prêt à livrer bataille.pour maintenir sa suprématie. C’est un voisinage incommode que celui de ces ministres, de ces magistrats en herbe ; mais l’ardeur enthousiaste de cette jeunesse a bien aussi son côté intéressant. N’est-ce pas elle qui a, élevé presque à la hauteur d’un culte un des plus poétiques souvenirs du Portugal ? C’est à Coïmbre, on le sait, sur les bords du Mondego, que Camoëns a placé la scène du dramatique épisode d’Inès de Castro. Enfermée au couvent