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personnification de la pensée viennent se ranger les récits historiques de M. Rebello da Silva et les romans humoristiques de M. Mendès Leal. Ce n’est pas seulement par les produits de l’imagination que cette école de Coïmbre est devenue célèbre, l’étude du droit ne le cède en rien à celle des lettres. Le Portugais est d’ailleurs jurisconsulte d’instinct, il aime la procédure ; dans le nord surtout, chaque famille veut avoir son avocat, et ce n’est pas la matière à procès qui manque. Heureusement une magistrature intègre calme autant que possible cette humeur chicanière. La théologie et le droit canon ont également leurs chaires à Coïmbre ; les sciences mathématiques et naturelles y sont enseignées, depuis quelques années surtout, avec un certain succès. Il existe sans doute d’autres écoles en Portugal, l’école polytechnique de Lisbonne, l’école polytechnique de Porto, etc. ; mais l’université de Coïmbre est la seule et unique université. Les relations de jeunesse qui se forment là deviennent des amitiés pour la vie ; elles laissent de profondes racines, et cette camaraderie tempère les haines entre les hommes, fussent-ils séparés un instant par les passions et les ambitions. L’université de Coïmbre a si bien gardé son vieil ascendant, que les Brésiliens eux-mêmes, quoique détachés du Portugal depuis longtemps, n’ont pu-encore en perdre la tradition ; ils n’ont pu oublier le chemin de cette ville de la jeunesse, et ils y envoient leurs enfans.

À Porto, où je me rendis après quelques jours passés à Coïmbre, ce n’est plus la jeunesse, c’est une maturité virile qu’on peut surtout observer. Si le climat présente les mêmes charmes qu’à Lisbonne et à Coïmbre, la nature se montre plus riche et plus vigoureuse sur les bords escarpés du Douro. Une puissante végétation couvre de sa verdure les roches granitiques, et sur le fond grisâtre de ces gradins gigantesques de belles touffes de camélias détachent leurs fleurs éclatantes. Porto étage ses maisons et ses monumens à teintes sombres et sévères empruntées au granit sur les pentes rapides de la rive droite, tandis qu’en face, sur la rive gauche, Villanova de Gaïa cache ses entrepôts de vins parmi les marronniers d’Inde et les magnolias. Si ce panorama n’a pas la grandeur de celui qu’offre Lisbonne, il est néanmoins d’un effet puissant. Un sentiment de crainte s’empare presque du voyageur lorsque, arrivant de la mer, il se hasarde pour la première fois dans cette gorge étroite d’où le fleuve s’échappe renversant tout ce qui le gêne.

Doué d’une imagination moins brillante, d’une intelligence moins prompte que vers le sud du Portugal, l’homme ici montre une énergie de caractère peu commune, énergie qui tranche avec l’élégante oisiveté de Lisbonne ou l’exubérante pétulance de la jeunesse de Coïmbre. Les riches capitalistes de Porto se réunissent rua dos Inglezes