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blanche, à l’œil ardent, à la chevelure courte et bouclée ; leur cou était orné de croix d’or et de colliers, la tête était parée d’un fichu de dentelle, et toutes portaient à la main le large chapeau de feutre noir orné d’un pompon de soie. Cette vue réveilla la verve du Portuense. « Montrez-moi donc, s’écria-t-il, un groupe pareil à Lisbonne ! Tenez, je vous accorderai que votre Tage est plus large que le Douro, ne me demandez pas d’autre concession ; encore ce Tage n’a-t-il pas les jolies batelières du Douro ! » Je fus tout surpris de ne pas l’entendre citer la merveille de Porto, la Torre dos Clerigos, qui sert de clocher à l’une des églises bâties dans le haut de la ville. De construction moderne, l’architecture de la Torre dos Clerigos est de ce style bâtard adopté par les jésuites au XVIIIe siècle, et dont les contours difformes et vulgaires remplacèrent les belles lignes de l’art italien. Cette tour ou plutôt ce clocher n’est remarquable que par son élévation, qui permet aux navigateurs de l’apercevoir de loin et de s’orienter en mer.

Dans le domaine de la politique, la rivalité des deux villes a été l’occasion de luttes nombreuses pour Porto, la cité toujours noble, toujours loyale ; c’est son titre. Les redoutes de la Sierra del Pilar, qui sont établies sur un mamelon élevé de la rive gauche du Douro, dans un ancien couvent, lui rappellent le siège glorieux qu’elle soutint contre l’armée de dom Miguel de 1832 à 1833. Ce peuple de marchands montra de la grandeur pendant cette période de combats héroïques. L’incendie engloutissait les fortunes, la mort portait le deuil dans les familles, le roulement du canon remplaçait dans les rues l’activité commerciale : rien cependant ne put vaincre son opiniâtreté, et la cause libérale triompha en Portugal ; mais aux jours de calme ce caractère violent et indépendant eût créé un danger continuel pour les gouvernemens, s’ils eussent choisi Porto pour métropole. Orgueilleux des qualités qu’ils apportent dans la lutte, les habitans de cette ville sont toujours prêts à se lancer dans le mouvement. En 1842, Costa-Cabrai fait dans ses murs une révolution qui lui livre le pouvoir ; en 1846, c’est là que José da Silva Passos établit le centre de son gouvernement populaire ; c’est de là qu’il dirige toutes les opérations de la guerre que les Portugais nomment paluleia ; en 1851, le maréchal Saldanba trouve à Porto les forces nécessaires à un soulèvement qui renverse le comte de Thomar. N’est-ce pas chose singulière que ces hommes de négoce soient si prompts à renoncer aux bénéfices de la paix pour se lancer dans les aventures ?

La vie portugaise, ai-je dit, a trois foyers principaux ; j’en pourrais même ajouter un quatrième, c’est Braga, où semble se concentrer l’influence des vieilles idées cléricales. Nulle part au monde le