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échappé à la juridiction anglaise et quitté l’Angleterre en violation du foreign enlistment act, que par conséquent le gouvernement avait le droit de poursuivre et de saisir les vaisseaux même hors de sa juridiction. » La majorité donna raison au ministère.

Lorsque éclata, il y a trois.ans, la guerre civile aux États-Unis, l’Angleterre se hâta de reconnaître les rebelles comme des belligérans. En leur accordant cette faveur sans nécessité immédiate, elle ne pouvait se dissimuler qu’elle offenserait les États-Unis et donnerait un encouragement indirect à ceux qui se préparaient à profiter de la guerre pour courir sus aux vaisseaux de la marine marchande américaine, car les confédérés une fois reconnus comme belligérant, eux qui n’eussent été que des pirates devenaient désormais des corsaires qui trouvaient des ports, des approvisionnemens, obtenaient une protection pour leurs biens et leurs personnes. La France à cette époque, en ce qui concerne les États-Unis, avait lié intimement son action diplomatique à celle de l’Angleterre. Un des résultats de cette entente fut de rendre impossible l’accession de la nouvelle administration de Washington au traité de Paris. On se rappelle que l’administration de M. Buchanan avait refusé de signer la déclaration en quatre articles de ce traité, si l’on n’y en ajoutait un cinquième, exemptant la propriété privée de toute confiscation sur mer. Aussitôt que M. Seward arriva à Washington pour y prendre la secrétairerie d’état, il envoya des instructions tant à Paris qu’à Londres pour offrir l’adhésion du gouvernement américain au traité de Paris. Cette adhésion était-elle un acte parfaitement désintéressé ? Sans doute, en offrant aux deux grandes cours européennes de souscrire au traité de Paris, M. Seward se flattait d’empêcher ainsi la reconnaissance des confédérés et se promettait le bénéfice momentané de l’article de ce traité qui abolit la course ; mais ne privait-il point aussi son pays des avantages incalculables que la course lui assurait dans le cas d’une guerre avec l’Angleterre ou avec toute autre puissance commerçante ? Cela est si vrai qu’à la première nouvelle des négociations ouvertes à Londres et à Paris la presse américaine se montra très émue, et conjura M. Seward de ne point abandonner le droit à la course, seule protection d’une puissance maritime qui ne veut point entretenir une forte marine de guerre permanente. Les propositions de M. Seward furent accueillies froidement à Londres et à Paris. En vain renonça-t-il à l’article additionnel où, comme M. Marcy, il proposait d’exempter de confiscation toute propriété privée ; il dut enfin rompre les négociations, parce que la France et l’Angleterre « n’entendaient prendre aucun engagement de nature à les impliquer directement ou indirectement dans le conflit intérieur existant aux États-Unis. » Qu’y avait-il derrière ces vagues réserves ? La crainte d’avoir à considérer comme