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elles partagent l’Algérie en deux moitiés. Une chaîne de montagnes, celle de l’Atlas, qui court parallèlement à la côte depuis le Maroc jusqu’en Tunisie, forme la limite de ces deux régions. Jusqu’à l’Atlas, l’Algérie fait partie de la région méditerranéenne ; elle est un prolongement de la Provence et du Languedoc, car la Méditerranée n’est point une mer, c’est un golfe, et, grâce à la vapeur, un moyen d’union ; entre les pays qu’elle isolait autrefois. Ce n’est donc point la mer, c’est le mal de mer qui sépare réellement l’Algérie de la France. Cette déplorable infirmité, dont si peu d’hommes sont exempts, est la barrière qui s’élève entre la vieille France européenne et cette jeune France africaine où toutes les activités trouveraient leur emploi et toutes les curiosités leur aliment. L’unité de la France méditerranéenne, que j’affirme, n’est point une fiction, c’est une réalité. Les preuves surabondent, examinons-les. Avant de pénétrer dans le Sahara, étudions-en les abords.


I. — LA RÉGION MÉDITERRANÉENNE.

Ce nom est le meilleur ; toutefois on l’appelle aussi la région des oliviers, l’existence de cet arbre caractéristique distinguant cette région de toutes celles qui l’environnent. La reconnaissance des naturalistes l’avait acclamée le royaume de Candolle en souvenir du botaniste qui en a le mieux connu les productions végétales : il les avait étudiées sur place pendant ses huit années de professorat à la faculté de médecine de Montpellier, où il occupait la chaire de botanique, et dans les voyages agronomiques qu’un ministre éclairé, le baron Chaptal, le chargea de faire dans les différentes parties de l’empire français. La botanique et l’agriculture ont également profité de ces tournées, si faciles aujourd’hui, si pénibles au commencement du siècle. Un illustre agronome anglais, Arthur Young, qui parcourut la France pendant quatre étés, de 1787 à 1790, reconnut le premier l’existence de la région des oliviers[1], dont l’un de ses plus dignes successeurs, M. de Gasparin, fixa plus rigoureusement les limites. Nulle part le contraste entre cette région et celle qui la précède n’est plus frappant qu’à la descente du Rhône ou sur le chemin de fer de Lyon à Marseille. À partir de Valence, la voie suit à distance la rive gauche du fleuve dans le large bassin dont Montélimart est la ville principale. Peu à peu la vallée se resserre, Viviers apparaît sur la rive droite du Rhône, surmonté de sa vieille cathédrale ; les bords se rapprochent, et le fleuve traverse une cluse étroite où l’art, entamant la roche, a tracé une route et une voie

  1. Voyez sur ce sujet la Géographie botanique et ses progrès dans la Revue du 1er octobre 1856.