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décrits occupent les intervalles. Les marnes, les argiles, les sables, les gypses peu cohérens, ont été entrainés ; le gypse pavimenteux, plus dur que les autres terrains, a résisté, et les plateaux sont les témoins de ces immenses déblais. Les torrens actuels suivent encore ces anciennes lignes d’érosion. Pour tout homme qui s’intéresse aux phénomènes de la physique du globe, c’est un spectacle bien curieux qu’un torrent qui descend des Aurès dans le Sahara. Les eaux, produit de la pluie ou de la fonte des neiges, sont d’abord entièrement douces ; elles coulent au fond d’un lit profond à parois verticales, creusé comme un sillon dans les terrains sans cohérence de la formation crétacée. Quand le torrent sort des montagnes pour entrer dans la plaine, le lit s’élargit, des berges peu élevées le limitent à peine, une surface immense couverte de cailloux roulés montre quelle doit être la masse des eaux à l’époque des crues ; en temps ordinaire, un faible ruisseau longe l’un ou l’autre bord ou serpente au milieu. Arrivé au désert, le lit s’élargit encore, et le courant est réduit à un mince filet qui bientôt disparaît complètement ; mais, en creusant dans le sable, l’Arabe trouve encore l’eau, invisible à la surface. Seulement cette eau s’est chargée des sels nombreux dont le sol est imprégné, elle est devenue saumâtre. Ces lits de rivières desséchées se réunissent entre eux et forment des confluens ou de grands bassins semblables à ceux des lacs. Tel est celui de l’Oued-Djedi et de l’Oued-Biskra près du caravansérail de Saada. Mais à la suite des pluies hivernales les torrens se précipitent, les rivières coulent à pleins bords, les lacs se remplissent, le désert prend l’aspect d’une lagune. Toutes les parties basses sont sous l’eau, et les portions émergées forment des îles, des isthmes, des langues de terre, des presqu’îles temporaires. Bientôt, sous le soleil implacable de l’Afrique, cette masse d’eau s’évapore, le sol redevient sec, et une légère couche de sel est la seule trace qui reste de cette inondation passagère. Çà et là cependant une mare persiste durant tout l’été ; ailleurs la mare a disparu, mais le sol détrempé forme une véritable boue dans laquelle on ne saurait s’aventurer sans danger. Enfin la plupart du temps le terrain est sec, uni, complètement dépourvu de végétation, et semblable à un champ que la herse a nivelé. Les chotts ou lacs salés sont les seuls témoins permanens de l’ancienne mer qui couvrait le Sahara.

La proportion de sel qui pénètre le sol modifie la végétation du désert d’érosion. Cependant on y retrouve la plupart des plantes que nous avons rencontrées sur les plateaux. Ce sont surtout les Salsolacées qui dominent : pour elles, le sel marin est une condition d’existence à laquelle nulle autre ne saurait suppléer. L’ornement de ces