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Mais pourquoi les latitudes de l’Europe qui correspondent à celles de la Californie sont-elles déshéritées sous le rapport des gisemens aurifères ? Les vieux géographes vont nous répondre. L’or était beaucoup plus commun dans l’antiquité qu’on ne le pense généralement. Chaque guerrier gaulois, au rapport des annales latines, marchait au combat couvert de chaînes et de bracelets d’or. L’histoire de Tarpeïa, qui mourut ensevelie sous un déluge de bracelets d’or et de boucliers étrusques, semble prouver que les Gaulois n’étaient pas les seuls à suivre cette coutume. L ! Europe fournissait alors toutes ces richesses. La plupart des géographes et des écrivains de cette époque, Hérodote, Aristote, Pline, Strabon, s’accordent à dire que les rivières des Cévennes et des Pyrénées charriaient de l’or. Une rivière qui coule au pied des Pyrénées, l’Ariège rappelle encore par son nom latin, Aurigera, la célébrité dont elle a joui. La péninsule hellénique et surtout l’Ibérie, si l’on en croit les poètes et les géographes des temps anciens, avaient aussi leurs alluvions aurifères. Polybe, entre autres, dit que les mines d’argent situées près de Carthagène occupaient habituellement quarante mille ouvriers dont le travail rapportait au peuple romain 25,000 drachmes par jour (8 millions par an). Les sables aurifères ont donc existé jadis sur toute la surface de la planète, et d’une manière sensible jusqu’au-delà du 40e degré de latitude. À toutes les époques, il s’est trouvé des chercheurs aussi aventureux, aussi intrépides que les mamelucos de Piratininga ou les diggers des placers californiens. L’ancien continent s’est appauvri à la longue, et aujourd’hui il n’y a plus que les terres vierges de l’Amérique, de l’Australie, de l’Océanie, les immenses déserts de l’Afrique voisins des tropiques, qui possèdent encore ces précieuses richesses. Les récits qu’on trouve chaque jour dans les journaux américains ou australiens sur les découvertes de nouveaux gisemens aurifères dans ces pays jusqu’ici inexplorés confirment nos inductions.

On se demandera maintenant pourquoi la pesanteur, beaucoup plus puissante que la force centrifuge et agissant en sens contraire, n’a pu retenir vers le centre de la terre les métaux précieux. Peut-être, en adoptant l’idée que Laplace, il y a un demi-siècle, formula dans son Exposition du système du monde, arrivera-t-on à une solution satisfaisante[1]. Les principes sur lesquels ce savant s’est

  1. Laplace, s’aidant des beaux travaux d’Herschel sur les nébuleuses, considère le soleil avec son cortège planétaire comme étant, à l’origine une immense nébuleuse, s’étendant au-delà de l’orbite de la planète la plus éloignée, et tournant autour d’un axe passant par son centre. Cette nébuleuse, se refroidissant peu à peu par son rayonnement dans l’espace, dut se contracter et diminuer de volume. De là une augmentation de vitesse de plus en plus grande, et par suite une plus grande énergie de la force centrifuge. Lorsque cette dernière force fut assez puissante pour vaincre l’adhérence des molécules, il se détacha une zone de la masse solaire dans le plan de l’équateur. Cette zone, continuant à tourner sur elle-même en vertu du mouvement acquis, constitua la première planète ; ainsi de suite des autres, qui à leur tour donnèrent naissance de la même manière à leurs satellites.