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aventuriers accoururent de toutes parts, et en moins d’une année vingt-cinq mille individus peuplaient ce désert.

Maintenant, si l’on jette un coup d’œil d’ensemble sur le rôle qu’une pierre et un métal ont joué dans les destinées des races latines et de la péninsule australe du Nouveau-Monde, quelle conclusion en tirera-t-on ? La réponse est bien simple, c’est d’abord le chaos d’une société barbare s’agitant au milieu des convulsions de la fièvre, n’ayant qu’un seul but, la fortune, qu’un seul code, la loi du plus fort. Les terres bouleversées et rendant toute agriculture impossible, les noirs et les Indiens périssant par millions, les conquistadores eux-mêmes se livrant des combats d’extermination pour se disputer quelques pépites d’or, telles sont les premières annales de l’époque aurifère. Cependant les villes s’élèvent, l’ordre commence à paraître ; avec le calme et l’aisance viendra le progrès. Dès lors on peut apprécier les résultats, et on ne voit plus qu’un épisode ordinaire de la vie des peuples qui a transformé en moteurs utiles ces forces malfaisantes ou perdues. Qu’on se reporte en effet à l’état où se trouvait l’Europe et surtout la péninsule ibérique lorsque le premier cri de l’eldorado arriva au travers de l’Océan. Castillans et Portugais, nés au milieu des guerres de l’indépendance, ne connaissaient qu’une seule profession, celle des armes ; l’industrie était aux mains des Maures et des Juifs, et Philippe II et l’inquisition venaient de les chasser. Fanatisés par la lutte séculaire qu’ils avaient soutenue contre les infidèles, ces hommes de fer n’eussent fait qu’augmenter les bandes de routiers qui désolèrent si longtemps l’Occident au nom de la religion. L’Eldorado et la Serra-das-Esmeraldas furent, si l’on peut s’exprimer ainsi, deux soupapes offertes par le Nouveau-Monde au trop-plein de l’ancien. Les hommes d’armes devinrent des travailleurs. Les mamelucos eux-mêmes, d’une nature encore plus sauvage et plus turbulente, cessèrent un moment la chasse à l’homme et la vie errante pour former des établissemens fixes. Des cités s’élevèrent à la place des huttes indiennes, la forêt recula devant la civilisation. Avec le travail vint l’aisance, et avec l’aisance l’ordre ; l’ordre et le bien-être appelèrent l’instruction. De tous ces élémens auxquels s’ajoutèrent les croisemens de races devait sortir cette vigoureuse et intelligente population que les voyageurs remarquent en entrant dans la province de Minas, et qui contraste d’une manière si marquée avec les habitans du sertão de Goyaz. Aujourd’hui encore c’est à Villa-Rica, à Cuyabá, et surtout à Tijuco, capitale du district diamantin, qu’on rencontre dans la société cette aisance de manières qui forme comme le premier cachet de toute bonne éducation. Pareille chose se voit en Californie, en Australie, partout où l’attrait de l’or fait naître des colonies. Du reste, ce mouvement,