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fonda tant d’églises en des lieux si divers ; mais ces lettres, toutes de circonstance, qui doivent avoir été nombreuses, quoiqu’il nous en reste fort peu, et qu’on ne gardait pas avec le soin qu’on y eût certainement mis, si l’on avait vu dans cette correspondance une série « d’écritures surnaturelles, » ne furent recherchées qu’assez longtemps après la mort de Paul. L’Apocalypse, selon toutes les apparences, fut très lue, mais circula longtemps isolée avant de faire partie d’un recueil officiel, où, par la suite et quand ce recueil fut en voie de formation, elle n’entra pas sans de longues résistances. L’idée d’écrire des lettres telles que l’épître aux Hébreux, celle de Jacques, celles de Pierre, qui sont moins des lettres que des traités sous forme épistolaire, n’a pu venir qu’à la suite de l’expérience qui avait montré les avantages de cette forme pour répandre des vérités ou combattre des erreurs. Par conséquent ces épîtres de Jacques, de Pierre, sont d’une date moins ancienne que les principales épîtres de Paul, et c’est aussi pour cela qu’on hésita plus longtemps sur le rang qu’il fallait leur attribuer. Enfin, quant à la partie la plus nécessaire à nos yeux du Nouveau Testament, l’histoire même de Jésus, elle ne se constitua que peu à peu et avec une lenteur qui ne laisse pas que d’étonner un esprit moderne. À la longue, et lorsque la mort eut éclairci les rangs des disciples immédiats du Christ, on sentit la nécessité de rédiger par écrit ce que l’on tenait de leurs témoignages. Une très vieille tradition nous apprend même qu’un des apôtres, Matthieu, écrivit les principaux enseignemens de Jésus dans un recueil ad hoc, et, d’accord avec beaucoup d’éminens critiques de nos jours, nous croyons pouvoir affirmer qu’on retrouve cette œuvre apostolique dans les grands discours du Seigneur reproduits par l’Évangile qui porte aujourd’hui le nom de Matthieu. La même tradition nous dit qu’un disciple et interprète de Pierre, Marc, écrivit ses réminiscences de la prédication de son maître. Le prologue lui-même de l’Évangile de Luc nous apprend qu’au moment où cet évangéliste se mit à l’œuvre, beaucoup d’autres (πολλοί) avaient déjà tenté la même entreprise, et, sans parler de l’Evangile de Jean, qui appartient à une époque moins ancienne encore et qui d’ailleurs se propose moins de raconter une histoire que de démontrer une grande idée, nous pouvons affirmer que, depuis l’an 75 environ, il y eut d’assez nombreux essais d’histoire évangélique auxquels nos quatre Évangiles canoniques ont seuls survécu. Néanmoins les traces en sont restées, soit dans le souvenir des pères, soit même dans les écrits des plus anciens auteurs chrétiens, qui citent parfois des faits et des paroles du Christ évidemment empruntés à d’autres sources que celles qui sont à notre disposition. Entre autres, les Évangiles dits des Nazaréens et des Hébreux restèrent fort longtemps en usage chez les communautés judæo-chrétiennes de la Syrie. Il