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aux Hellènes par les puissances de l’Europe et proclamé par un vote de l’assemblée nationale.

L’impatience et la joie étaient grandes. Après une année entière d’incertitude et de provisoire, la Grèce allait enfin rentrer dans une situation normale et reprendre possession de ce gouvernement monarchique auquel elle avait tenu à demeurer fidèle, tout en rompant avec sa dynastie. Comme le peuple de Paris à l’entrée de Henri IV, le peuple d’Athènes était « affamé de voir un roi ; » il attendait avec la monarchie reconstituée la fin du malaise général, le rétablissement définitif de l’ordre et de la stabilité, perdus depuis douze mois. Avec l’ardeur enthousiaste et la naïveté enfantine qui lui sont propres, il se laissait aller aux illusions les plus dorées ; la seule présence du roi dans ses états devait suffire pour ramener le calme, pour remettre chaque chose à sa place, pour effacer tout vestige de l’ébranlement causé par la chute de la dynastie bavaroise. En réalité, sans partager ces illusions trop brillantes, sans se dissimuler les difficultés que devait rencontrer l’affermissement de la nouvelle royauté, sans oublier combien il faut de temps et d’efforts pour faire rentrer dans son lit le torrent révolutionnaire, même lorsque les raisons les plus légitimes l’ont déchaîné, le spectateur impartial pouvait regarder la situation comme favorable. Après avoir remporté un succès signalé dans l’assemblée nationale, à laquelle il avait arraché, sous la pression des tribunes remplies de gens apostés, un décret enlevant pour dix ans les droits politiques aux membres du ministère qui avait combattu l’insurrection de Nauplie, le parti révolutionnaire venait d’éprouver dans la rue, à l’anniversaire du 22 octobre, un échec qui prouvait son impuissance réelle et la répulsion qu’il inspirait à la grande majorité de la nation grecque. Les hommes les plus avancés avaient en effet essayé de profiter de cet anniversaire pour tenter un coup de main qui leur rendît le pouvoir et leur permît de dicter la loi au prince dès son arrivée ; mais devant l’attitude décidée du peuple et de la milice citoyenne, rassemblée à la première alerte, ils avaient été contraints de renoncer à leur projet, sans en être venus même à un commencement d’exécution.

Enfin, après plusieurs jours d’attente impatiente et anxieuse, le 26 octobre 1863, au point du jour, les salves d’artillerie des bâtimens stationnés au Pirée réveillèrent Athènes en lui apprenant que la frégate qui amenait le roi venait d’entrer dans le port. À dix heures du matin, George Ier débarquait au bruit du canon des navires français, anglais et grecs, et était reçu sur le quai par les députés de la constituante ainsi que par la population du Pirée, qui l’acclamait avec les vivat les plus chaleureux. Une heure après, il