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procéder par coups d’état, écraser violemment l’oligarchie corrompue de la classe politique, et, sous prétexte d’émanciper le peuple, substituer l’absolutisme royal à l’absolutisme des partis ? Non certes, et tous ceux qui connaissent la Grèce savent que, pour accomplir sa mission, la royauté n’a besoin ni d’employer ces moyens extraordinaires, ni de suspendre l’exercice de la liberté constitutionnelle ; il suffit qu’elle poursuive avec une persévérance inébranlable deux grandes réformes, celle du système des impôts et celle du régime communal.

La Grèce a conservé le système turc dans ses impôts ; la dîme se paie en nature, et, au lieu de la perception directe par les agens des finances, on emploie le mode du fermage. C’est sur cette organisation vicieuse qu’est basée toute la force de ce que l’on appelle les influences provinciales. Le premier soin des aventuriers politiques est de se rendre adjudicataires des impôts de leur province. À ce titre, ils ont le droit de requérir l’assistance de la gendarmerie, et au besoin de l’armée, pour contraindre les contribuables récalcitrans ; mais ils ne s’en servent que pour agir sur les électeurs rebelles à leur influence. Leurs amis sont dispensés de payer l’impôt ; leurs adversaires doivent payer double. Ainsi leur pouvoir se fonde sur la terreur et sur la violence, et la force publique, au lieu de protéger le citoyen dans l’exercice de ses droits, devient l’instrument d’ambitions individuelles ; puis, quand ces personnages ont assis de cette manière leur domination dans une province, ils viennent s’imposer, au nom de leur influence, au gouvernement d’Athènes. Que le système des impôts soit changé, que la perception directe soit substituée au fermage, en même temps que les charges du paysan seront allégées d’au moins un cinquième, le trésor public verra ses revenus s’accroître, la fortune des aventuriers politiques perdra ses fondemens ; il ne restera debout que les influences nécessaires et légitimes, celles qui ont pour base la propriété territoriale ou les grands services rendus au pays.

D’un autre côté, la nation grecque, comme tous les peuples chez lesquels l’esprit de localité a une grande puissance, est éminemment apte à la vie municipale. Jusque sous la domination turque, elle avait conservé une organisation communale excellente, fonctionnant de la façon la plus remarquable, et dans toute la période de la guerre de l’indépendance, les municipalités ou démogéronties furent le seul gouvernement sérieux et réel du pays. La régence bavaroise vit dans cette organisation des communes un élément de résistance à l’arbitraire du pouvoir central et une école de self-gouvernment, chose qu’elle redoutait par-dessus tout ; elle la détruisit. À la commune naturelle elle substitua, sous le nom de dême, la