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situation a commencé, dont les incertitudes, les anxiétés, le malaise, atteignent la France plus directement que l’Angleterre ? N’est-il pas vrai que la France est tenue de veiller à ce qui va se passer en Europe avec une attention et des précautions redoublées ?

Ce qu’il y a de bizarre dans la position où nous sommes, c’est que, ayant à juger les suites pour la France de la crise danoise, nous ignorons quelle a été la vraie politique de la France dans cette question. Le caractère de cette politique, son objet, ses mobiles n’ont jamais été exposés et expliqués au public français. Il nous est impossible d’établir par des documens officiels émanés de notre gouvernement à quoi cette politique se rattache dans le passé, à quoi elle tend dans l’avenir, de quel système elle procède, à quelles fins elle a voulu atteindre. Aussi, par une curiosité bien naturelle, ce que nous avons recherché avant tout dans les grands débats qui se sont engagés à la chambre des communes et à la chambre des lords sur les motions de M. Disraeli et de lord Malmesbury, ce sont les ouvertures que les orateurs anglais ont pu nous donner sur la politique suivie par la France dans la question danoise.

Les révélations de la discussion anglaise ont extrait la quintessence des quinze cents pages du blue-book contenant les pièces diplomatiques de l’affaire danoise. La partie de ces révélations qui concerne la France est peu abondante et peu décisive ; il faut pourtant la prendre pour ce qu’elle est. Ce qui rend moins nets à l’égard de la politique française les éclaircissemens fournis par la discussion, c’est le double parti-pris des deux opinions qui se combattaient au sein du parlement. Il y a la politique française suivant la thèse de l’opposition et la politique française suivant la thèse ministérielle. C’est M. Disraeli qui, dans un discours très lucide, très spirituel et très animé, a présenté le système de l’opposition. M. Disraeli s’en est tenu à l’explication de la conduite de la France qui était ayant cette discussion la plus accréditée. Dans la pensée du chef du parti tory, tout dépendait, dans la question danoise, de la conduite tenue par la France. M. Disraeli reprochait deux choses à la politique ministérielle : la première, c’était d’avoir éloigné la France d’une action concertée avec l’Angleterre par le refus trop raide que lord John Russell opposa l’année dernière au projet de congrès mis en avant par l’empereur ; la seconde, c’est que, la France ayant dès le principe déclaré explicitement qu’elle n’emploierait point des mesures actives en faveur du Danemark, lord Russell n’ait point imité tout de suite la réserve de l’empereur, et ait continué à donner des espérances aux Danois et à prodiguer les menaces aux Allemands, lorsqu’il devait être certain que le concours de la France lui ferait défaut, et que par conséquent l’Angleterre n’entreprendrait point seule une guerre contre l’Allemagne. M. Disraeli appuyait d’ailleurs ses assertions de citations curieuses du blue-book.

Les pièces diplomatiques en main, M. Disraeli établissait sans peine que