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jours un trône, fait la guerre pour la guerre, et sa pensée ne dépasse pas le champ de bataille. Frédéric le Grand et Maurice de Saxe, comment ne pas rapprocher ces deux noms malgré les différences qui les séparent ? Maurice, si inférieur au roi de Prusse, a eu pourtant l’honneur de lui donner des leçons ; il a formé, on peut le dire, le capitaine de la guerre de sept ans, qui le glorifiera en prose et en vers. Autre contraste encore : cette guerre de la succession d’Autriche, Frédéric la commence et Maurice la termine. Frédéric, en 1740, met le feu à l’Europe entière en prenant la Silésie ; Maurice, en 1748, par le dernier de ses exploits, ira conquérir la paix dans Maëstricht.

On connaît la marche des événemens : tandis que les adversaires de l’Autriche hésitent encore à se déclarer, Frédéric II, qui vient de monter sur le trône de Prusse, inaugure son règne par un acte audacieux : il entre en Silésie et en chasse les Autrichiens. Dès lors il est évident que les luttes diplomatiques ont fini, et que l’épée doit remplacer la plume. Le cardinal Fleury opposerait en vain sa timide sagesse aux conseils aventureux du comte de Belle-Isle, aux excitations intéressées de la duchesse de Vintimille : c’est le parti de la guerre à outrance qui l’emporte. La France présidera au démembrement de l’Autriche. Nous signons un traité d’alliance avec la Prusse, et deux armées françaises passent le Rhin. Marie-Thérèse, en sa juvénile ardeur, a voulu rendre coup pour coup à Frédéric : au projet de démembrer l’Autriche, elle a voulu répondre par le démembrement de la Prusse, et elle offre cette proie aux puissances voisines. Pourquoi la Russie, l’Angleterre, la Pologne refuseraient-elles de se partager les états de Brandebourg ? Excellente occasion pour la Russie de s’étendre vers le sud de la Baltique, occasion excellente aussi pour les deux rois-électeurs, le roi d’Angleterre et le roi de Pologne, d’arrondir leurs possessions allemandes. Ce projet hardi, qui reparaîtra plus tard, est immédiatement déjoué par les coalisés. La Suède, alliée de la France, se charge de harceler la Russie, tandis que l’une des armées françaises, sous les ordres du maréchal de Maillebois, se dirige vers la Westphalie afin de contenir le Hanovre, c’est-à-dire l’Angleterre ; quant au roi de Pologne, électeur de Saxe, dès qu’il voit les Prussiens, déjà victorieux en Silésie, soutenus par la seconde armée française qui marche directement contre l’Autriche, il s’empresse de changer de drapeau pour la seconde fois, et reprend sa place parmi les adversaires de Marie-Thérèse. C’est dans cette armée du sud, dans l’armée française confiée à l’électeur de Bavière, que Maurice commande une division.

Au moment où le comte de Saxe va s’immortaliser au service de la France, il est impossible de ne pas se rappeler les hardis aventuriers