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parfait, — la cavalerie le sabre à la main, l’infanterie la baïonnette au bout du fusil, — que la colonne anglaise fut foudroyée et disparut. » Eh bien ! comment expliquer cette disparition d’une armée, si les mesures générales de Maurice, connues du baron d’Espagnac et devinées par le comte de Loewendal, n’avaient préparé le coup de foudre ?

Le roi se montra reconnaissant envers le comte de Saxe ; il savait bien qu’il lui devait le succès de Fontenoy. Il le dit expressément dans une lettre à l’archevêque de Paris en lui ordonnant de faire chanter un Te Deum d’actions de grâces. « La lettre du roi à M. l’archevêque, écrit l’annaliste Barbier, est fort belle et fort noble. Quoique le roi en personne commande son armée, il reconnaît lui-même que la victoire a été remportée par le maréchal comte de Saxe. » Une autre lettre adressée par Louis XV au cardinal de Tencin, lettre que le comte Loss a reproduite dans une de ses dépêches et que la Saxe nous restitue aujourd’hui, contient ces mots : « Nous devons aux bonnes dispositions du maréchal de Saxe la victoire que nous venons de remporter. Il nous a donné de bonnes leçons, si nous voulons en profiter ; mais je crains qu’il ne nous en donne pas longtemps, s’il reste dans l’état où il se trouve. Ce serait une perte irréparable pour nous, que je ferais avec bien du regret, surtout parce que je ne pourrais, comme je le voudrais, récompenser les grands services qu’il nous a rendus. »

Les récompenses données par Louis XV au vainqueur de Fontenoy, est-il besoin de les énumérer ? Pensions, privilèges de cour, gouvernement de l’Alsace, commandement supérieur en Flandre, en attendant la plus haute, la plus rare de toutes les dignités militaires, rien ne lui sera refusé. Un trophée plus beau, ce fut la reconnaissance de la nation. Chacun comprenait que le vainqueur avait sauvé la France de l’invasion des alliés. Le Te Deum chanté le 20 mai à Notre-Dame pour la victoire de ce protestant eut l’éclat d’une cérémonie nationale. On comptait dans l’immense assemblée quarante évêques et soixante-dix membres du parlement, « ce qui ne s’était jamais vu, » dit Barbier. Le soir, Paris resplendissait d’illuminations et de feux de joie. Le parlement décida qu’il enverrait une députation sur le théâtre de la guerre pour complimenter le roi. Enfin, ce jour-là même, le 20 mai 1745, Voltaire célèbre aussi son Te Deum ; il achève un chant de triomphe enlevé en quelques heures, et y met ce simple titre, qui répondait à l’allégresse universelle : le Poème de Fontenoy.

Nous avons parlé de Vauvenargues à propos du vainqueur de Prague et d’Égra ; comment ne pas rapprocher Voltaire et le vainqueur de Fontenoy ? Sous le coup des événemens auxquels est attaché