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17 juillet 1863 à Tougourt. L’hiver est relativement froid. À Biskra, le thermomètre descend quelquefois en février à 2 et 3 degrés au-dessous de zéro. Dans l’Oued-Rir, nos officiers ont vu leurs bidons remplis d’eau couverts le matin d’une mince couche de glace. J’ai constaté moi-même qu’en novembre et décembre 1863 le thermomètre, à 1 mètre au-dessus du sol, oscillait avant le lever du soleil autour de 6 degrés, mais dans le jour il atteignait d’ordinaire 20 degrés à l’ombre. Les dattiers supportent parfaitement un froid nocturne sec et passager de 6 degrés au-dessous de zéro, et une chaleur de 50 degrés. Le sable du désert, qui rayonne beaucoup, se refroidit plus que l’air et conserve à quelques décimètres de profondeur une certaine fraîcheur qui se communique aux racines des arbres. Les pluies sont rares dans le Sahara ; elles tombent en hiver et provoquent le réveil de la végétation desséchée par les chaleurs de l’été. Quelquefois elles sont torrentielles, mais de courte durée. À Tougourt et à Ouargla, des années se passent sans qu’il tombe une goutte d’eau. Comprend-on maintenant la reconnaissance des Arabes pour l’arbre aux fruits sucrés qui prospère dans le sable, arrosé par des eaux saumâtres mortelles à la plupart des végétaux, restant vert quand tout autour de lui se torréfie sous les rayons d’un soleil implacable, résistant aux vents qui courbent jusqu’à terre sa cime flexible, mais ne sauraient ni rompre son stipe, composé de fibres entrelacées, ni déraciner sa souche, retenue par des milliers de racines adventives qui, descendant du tronc vers la terre, le lient invariablement au sol ? Aussi peut-on dire sans métaphore : un seul arbre a peuplé le désert ; une civilisation rudimentaire comparée à la nôtre, très avancée par rapport à l’état de nature, repose sur lui ; ses fruits, recherchés dans le monde entier, suffisent aux échanges, et créent non-seulement l’aisance, mais la richesse. Dans les trois cent soixante oasis qui appartiennent à la France, chaque dattier acquitte un droit qui varie de 20 à 40 centimes suivant les oasis, et ces cultures prospèrent, le produit moyen de chaque arbre étant de 3 francs environ.

Le nombre des dattiers fait la richesse d’une oasis, mais tous ne donnent pas des fruits : en effet cet arbre est dioïque. Il y a des pieds mâles et des pieds femelles. Les pieds mâles ont des fleurs munies d’étamines seulement et formant une grappe renfermée avant la maturation du pollen dans une enveloppe appelée spathe. Les pieds femelles au contraire portent des régimes de fruits enveloppés également dans une spathe, mais qui ne sauraient se développer, si le pollen ou poussière des étamines ne les a pas fécondés. Pour assurer cette fécondation sans planter un trop grand nombre de mâles improductifs, les Arabes montent à l’époque de la florai-