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peuples qui ne jouissent pas de notre civilisation raffinée, cette notion métaphysique de l’autorité est beaucoup trop subtile. Pour un Africain et un Asiatique, l’autorité est à cheval, porte un sabre et un burnous rouge ou un uniforme chamarré de broderies. L’autorité, c’est la force effective sachant se faire respecter elle-même, on bras vigoureux capable d’exécuter l’arrêt que la bouche a prononcé. Les officiers de notre armée ont reçu notre éducation, ils partagent nos idées, nos opinions sur l’usage de l’autorité ; comme nous, ils répugnent à l’abus de la force. Malgré des méfaits isolés que l’armée désavoue, nous pouvons remettre le sort des Arabes entre ses mains. Vainement d’ailleurs nous chercherions à les désabuser : pour eux, les chefs militaires seront toujours des chefs, et les personnages civils des légistes plus ou moins instruits. Que le lecteur me pardonne cette excursion dans un domaine qui n’est pas le mien ; je reviens à mon sujet.

La région montagneuse appartient aux Kabyles : elle ne saurait être mieux habitée. Quand du haut du Fort-Napoléon on voit toutes les crêtes couronnées par des villages, toute la montagne cultivée, le Kabyle labourant des pentes qui dans d’autres pays seraient considérées comme inaccessibles, on reconnaît que cette population n’a besoin que d’être encouragée dans ses efforts persévérans pour faire rendre au sol tout ce qu’il peut produire. En mettant fin aux dissensions civiles, en empêchant les luttes incessantes de village à village, l’administration française a rendu à ces populations le plus grand service qu’elles puissent en attendre. Enseigner aux Kabyles à cultiver la vigne pour en faire du vin, substituer le châtaignier, qui prospère admirablement dans ces terrains siliceux, au chêne, et par conséquent remplacer les glands par des châtaignes, greffer les oliviers, apprendre aux Kabyles à fabriquer de la bonne huile, tels sont les élémens de prospérité que nous avons à développer dans l’intérêt des Kabyles, de la colonie et de la métropole.

Nous avons cherché à donner une idée de la région des hauts plateaux, froids, dénudés, impropres à la culture des céréales, l’orge exceptée : voilà le vrai domaine de l’Arabe nomade vivant sous la tente au milieu de ses troupeaux. L’hiver dans le Sahara, l’été sur les plateaux, il se déplace sans cesse et obéit à son instinct séculaire. Vouloir le fixer immédiatement, c’est méconnaître l’influence toute-puissante de l’hérédité sur les habitudes des hommes et des animaux. Les Arabes sont nomades depuis l’origine du monde, en faisant remonter cette origine à six mille ans suivant la chronologie biblique, et depuis un nombre de siècles bien plus considérable, si on accepte les témoignages des antiquités égyptiennes et les données de la géologie moderne. Errer est devenu pour l’Arabe un besoin impérieux, irrésistible, auquel il ne saurait se soustraire. Ce