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réussite sur le versant méridional de l’Atlas ; mais la salure du sol, la rareté des pluies, l’inconstance des cours d’eau sont des élémens défavorables qui ne doivent pas être oubliés. Les dattes sont et seront toujours le produit principal de cette région et la base de l’alimentation des habitans du Sahara ; mais l’exportation n’a pas atteint ses dernières limites, et ce fruit excellent sera d’autant plus recherché en Europe qu’il deviendra plus commun. La faculté qu’il a de se conserver pour ainsi dire indéfiniment le rend précieux pour les régions septentrionales du globe où les fruits des pays tempérés ne mûrissent plus, et où l’économie réclame cependant, comme partout, une certaine proportion de nourriture végétale.

Terminant ici ces remarques sur la répartition des populations algériennes d’après les données de la physique du globe, de la climatologie, de la géographie botanique et de l’agriculture, je crois pouvoir dire avec assurance, comme la plupart des écrivains qui m’ont précédé : Aux colons, le Tell ; aux Kabyles, la montagne ; aux Arabes nomades, les hauts plateaux et les patinages du Sahara ; aux Berbères, les oasis, et à tous une administration unique, simple, expéditive et pratique !


III. — LA VIE AU DESERT.

On s’est demandé peut-être quelles fatigues nous avions supportées, quels dangers nous avons courus pendant nôtre voyage dans le désert. Nous n’avons point supporté de fatigues, nous n’avons pas couru de dangers. Grâce à la prévoyance du capitaine Zickel et à la protection du général Desvaux, ce voyage dans le Sahara pendant l’hiver n’a été qu’un voyage d’agrément. Voici l’emploi de nos journées : levés avant le jour, nous sortions de nos tentes. Le zouave qui remplissait les importantes fonctions de cuisinier avait déjà allumé le feu où chauffait notre café. Nous l’avalions sans le déguster, car l’eau saumâtre qui servait à l’infuser ôtait à la fève de Moka l’arôme et le goût qui l’ont rendue si chère à toutes les nations. En même temps nos soldats, aidés des Arabes, abattaient les tentes et chargeaient les chameaux accroupis. Le spahi Bechir, orné du burnous rouge, emblème de son autorité, donnait ses ordres aux Arabes, dont le partage incessant et la maladresse impatientaient nos hommes. On détachait les chevaux et les mulets, qui avaient passé la nuit au piquet, et quand le disque du soleil commençait à s’élever au-dessus de l’horizon, nous montions à cheval. L’air était frais, entre 6 et 10 degrés au-dessus de zéro. On partait : les chameaux suivaient de loin. Nous marchions au pas. Souvent l’un de nous descendait ; une pierre, une plante, un insecte avaient attiré ses regards. Son cheval l’attendait la bride pendante à terre,