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aussi le bassin de plusieurs rivières sans jamais s’éloigner beaucoup de la côte ; mais ces voyages, utiles au point de vue de la colonisation, qui en était le principal mobile, n’ajoutèrent que peu de chose à la géographie générale du continent. Ce qui fut reconnu certain, c’est que, malgré un climat très variable et des eaux de mauvaise qualité, la côte occidentale offrait quelques plateaux d’assez bonne nature pour nourrir de nombreux troupeaux, et que le bassin des rivières contenait plus de terres labourables qu’il n’était besoin pour suffire à l’alimentation des propriétaires.

Cependant les habitans d’Adélaïde ne pouvaient se résoudre à rester renfermés dans les plaines de la Murray. À mesure que leurs troupeaux se multipliaient, ils avançaient peu à peu vers le nord et créaient des stations dans des districts réputés inhabitables. Les concessions de terrains compensaient par l’étendue ce qui leur manquait en fertilité, et les établissemens européens, au lieu d’être limitrophes comme sur les bords de la Murray, s’espaçaient de trente à quarante kilomètres les uns des autres. On en vint par des progrès insensibles à créer des stations dans le voisinage du Mont du Désespoir, au milieu de la contrée sèche et salée qui avait rebuté Eyre quinze ans auparavant. De nombreux explorateurs, Swinden, Warburton, Babbage, fouillèrent dans tous les sens la région mystérieuse du Torrens et y reconnurent plusieurs bassins distincts. Au lieu d’une seule et unique dépression, on a trouvé le lac Eyre, le lac Gregory, le lac Torrens proprement dit, qui sont à des niveaux différens et séparés par de petites chaînes de collines. Enfin Stuart, le plus habile ou du moins le plus heureux des bushmen de l’Australie, fit en 1858 une expédition à l’ouest du Torrens et y découvrit un district d’une grande étendue, bien arrosé par des sources naturelles et couvert de l’herbe fine de kangurou, que les troupeaux préfèrent à toute autre. En récompense de cette belle découverte, le gouvernement local fit don à Stuart d’une vaste concession de terrain dans le pays qu’il venait d’ouvrir à ses compatriotes. Les colons l’y suivirent rapidement, et prirent pied, dans toutes les directions, à de grandes distances du bord de l’océan. Ces stations nouvelles, éloignées du littoral de plusieurs journées de marche, allaient devenir la base des opérations des explorateurs et le premier échelon de leurs nouvelles courses vers le centre. Nous arrivons à l’année 1860 et aux grandes expéditions qui ont soulevé le voile et révélé les secrets de l’intérieur du continent.

Peut-être, avant d’aller plus loin, est-il nécessaire d’adoucir l’impression un peu sombre que ces récits de voyages auront laissée dans l’esprit. Comment expliquer, dira-t-on, le prodigieux développement pastoral et agricole du nouveau continent, si le colon y rencontre tant de steppes et de saharas ? Comment l’Australie peut-elle,