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« En suite de ce que M. Charuel m’a expliqué de votre part, et en exécution du conseil que vous avez eu agréable de me faire donner par lui sur la réformation du quarré, dont j’avois accordé le projet aux instances de M. de Bellefonds, en une place de cinq bastions, j’ai vu avec assez de soin tout ce qui étoit à faire pour profiter de vos avis ; et après avoir bien considéré le terrain sur lequel j’avois dès le commencement jeté les yeux, j’ai trouvé qu’on y pouvoit, du moins à peu de chose près aussi heureusement, pratiquer un pentagone que le quarré que j’y avois projeté. Toutefois, comme toutes les choses du monde sont problématiques, et qu’il n’est guère de sujets sur lesquels on ne trouve des raisons pour et contre, je voudrois bien qu’avant de décider sur un fait de si grande importance, vous m’eussiez fait la grâce de me permettre d’en aller conférer avec vous, et de prendre de vous quelques éclaircissemens qui sont absolument nécessaires pour la conclusion de mon dessein. Il est vrai qu’il ne s’est guère ici trouvé de gens qui, sans vanité, ne l’aient loué et qui n’aient estimé l’assiette que j’avois ici choisie pour l’établissement d’une citadelle ; mais, comme je me défie assez de moi-même, je désirerois fort avoir le bien d’en consulter avec vous et avec les sages de ma connoissance, avant que d’y embarquer le roi, et même avant que de lui en faire des ouvertures tout à fait déterminées. Aussi bien vous donnerai-je lieu de résoudre et de faire résoudre plus de choses en un moment de conversation que je pourrai avoir avec vous, si vous l’avez pour agréable, que je ne saurois faire par le concert de plusieurs écritures et de plusieurs allégations… »


Le comble de l’art, c’est que, dans cette lettre tout inspirée par la jalousie, il n’est pas plus question de Vauban que s’il n’eût pas été au monde. En voici une autre, de quatre jours plus récente, où il figure d’abord en personne et sous son nom, et puis, comme si cet effort eût épuisé M. de Clerville, c’est seulement par allusion qu’il est indiqué à la fin. Le chevalier commence par annoncer à Louvois qu’il s’est avancé jusqu’à Douai afin d’être plus rapproché de lui.


« Cependant, poursuit-il, j’ai fait tout ce qui, selon mon sens, me pouvoit arrêter à Lille, c’est-à-dire qu’après avoir fait le calcul des dépenses auxquelles pouvoit monter la place de cinq bastions de terre gazonnée proposée au lieu du quarré que j’avois ci-devant imaginé, j’ai fait planter, en ma présence, des piquets sur tous les angles de ladite place proposée, et je les ai fait reconnoitre au sieur de Vauban, en telle sorte qu’il m’a dit que non-seulement il entendoit bien ma pensée, mais aussi qu’il feroit marquer par des traces plus reconnoissables ce que je n’ai fait qu’ébaucher en gros, pour voir si le pentagone en question, étant mis sur la terre, reviendroit bien au plan que je vous ai envoyé, ce que j’ai trouvé qu’il faisoit sans qu’il y eût plus de six ou sept toises de différence. Mais avec tout cela, comme cette affaire est d’une aussi grande difficulté que d’une grande conséquence, j’y ai encore quelques scrupules assez considérables dans lesquels je ne puis être illuminé que par le roi, que par vous, et que, comme