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aussi deux compagnies, la Compagnie des Colons algériens et la Compagnie franco-oranaise. On n’avait que l’embarras du choix, et ces rivalités, habilement ménagées, auraient pu aboutir à un partage. Des noms très honorables figuraient parmi les souscripteurs, et à eux seuls valaient la plus sûre des garanties. C’était une expérience à faire de bonne foi, sans acception de personnes ni mélange de faveurs ; il ne s’agissait que de remettre la tâche dans les meilleures mains et aux meilleures conditions possibles. On peut parier aujourd’hui librement de ces compagnies : toutes ont échoué, les unes découragées dès le début, les autres renonçant à leurs projets après des négociations pénibles. Le récit de ces échecs serait une page curieuse à ajouter à l’histoire des déceptions administratives. Il suffit de dire que trois ans se sont écoulés depuis le jour où les premières propositions ont été faites, et que chaque jour qui s’écoulait diminuait la convenance qu’il y avait à les maintenir. En de pareilles affaires, l’opportunité tient une grande place ; elles échappent si on ne la saisit pas. D’où sont donc venus les obstacles ? Il y en a deux qui se retrouvent toujours en pareil cas et à titre permanent : le mode de concession et le cahier des charges.


I

Divers systèmes ont été suivis en Algérie pour l’aliénation des terres du domaine : la concession directe d’abord, puis l’adjudication ; l’un et l’autre restent en vigueur dans des conditions facultatives. La concession directe a l’avantage d’être plus prompte et plus simple ; elle est de règle aux États-Unis, où elle est sortie du privilège pour entrer dans le droit commun. Point de lenteurs, point de formalités, point de distinction blessante entre les résidans et les émigrans. Une faculté de préhension est reconnue en faveur de quiconque défriche et cultive une terre vacante ; veut-on une cession plus régulière, elle a lieu sur une déclaration qui en désigne l’assiette et la contenance. Dans l’un et l’autre cas, qu’on se soit préalablement emparé du sol ou qu’on l’ait acquis en vertu d’un titré, la possession est définitivement consolidée par le paiement d’un droit fixe d’un dollar et quart l’acre, c’est-à-dire de 16 fr. 50 c. l’hectare. Le gouvernement n’entend être juge ni de la qualité des terres ni de la convenance qu’il y aurait à les exploiter ; il a compris les embarras où le jetteraient les classemens et les catégories. Le point de vue où il s’est placé est supérieur à la pensée de tirer de chacun des lots qu’il détient tout le bénéfice dont ce lot est susceptible ; il les confond tous dans une clause, uniforme d’aliénation. Son principal intérêt est dans le prompt peuplement et la prompte