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leur réelle, au moyen d’une concurrence établie entre les prétendans ; mais tel est le goût des traitemens de faveur qu’il survit aux abus les mieux démontrés. À côté de l’adjudication, qui est une des formes du droit commun, l’administration a maintenu son droit d’investiture directe. À son gré, elle y renonce ou y revient, alternative commode qui permet de trier les affaires et de varier les contrats.

C’est ce qui a eu lieu pour les terres propres à la culture du coton ; les deux modes de concession y ont été mis en présence et successivement pris et quittés. Suivant que les compagnies agréaient ou n’agréaient pas, on changeait de procédés et de langage. Avec les unes, on prenait des engagemens provisoires qui servaient à éconduire les autres, et, cette élimination faite, on lassait celles qui restaient debout par des charges de détail et des clauses résolutoires qu’elles n’étaient pas d’humeur à supporter. On les décourageait toutes par des lenteurs mortelles pour les spéculations qui vivent d’à-propos. Nées de la circonstance, leur ardeur s’éteignait ou se portait vers des entreprises moins contestées. Il n’est pas à dire que tout fût sérieux dans ces offres : il fallait distinguer, mais distinguer promptement. Peu de spéculations sont exemptes de mélange ; en attendre de telles serait se condamner à l’inaction. Que celle-ci eût en vue là revente des terres plutôt que la culture et conviât la crédulité publique au partage de bénéfices chimériques, que celle-là ne se fût mise sur les rangs que sous l’aiguillon de la rivalité anglaise et surenchérît pour l’évincer, c’était dans la nature des choses ; il n’y avait pas lieu de s’en émouvoir. L’essentiel était d’aboutir, et on n’a pas abouti. La Compagnie de la Tafna s’est retirée la première sur une fin de non-recevoir ; l’administration militaire a déclaré que, dans cette zone et si près du Maroc, elle ne pouvait répondre ni de la sécurité des colons, ni de la tranquillité de la vallée. La Compagnie des cotons algériens, qui demandait 10,000 hectares dans le bassin du Chélif, n’a pas été plus heureuse ; les terres qu’on lui assignait n’étaient pas vacantes, tout au moins y avait-il des doutes sur la disponibilité. Rebutée par les délais et les litiges, la compagnie s’est transformée. Il ne resta dès lors en voie d’instance que la Compagnie anglaise de l’Habra et la Compagnie oranaise, qui prétendaient à la même concession. L’histoire de cette lutte a été écrite par l’un des principaux intéressés, M. Antoine Herzog, manufacturier de Colmar. En détacher quelques traits, c’est montrer à l’œuvre notre mécanisme administratif.

Dès les premiers mois de 1862, la compagnie anglaise de l’Habra avait fait des ouvertures au gouvernement. On était dans la première agitation qui suivit la disette, avec des ouvriers à nourrir