Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/711

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pris. C’est surtout dans les évaluations du barrage que ce sentiment se donnait carrière. Il ne s’agissait au début que de deux millions à débourser ; peu à peu et d’enquête en enquête, le chiffre grossit : 2,400,000 du premier jet, ensuite 2,800,000 et 3 millions, enfin, comme dernier mot et sur nouvel avis, 3,400,000. À l’annonce de ce chiffre, la débâcle des compagnies fut définitive ; toutes leurs offres étaient excédées et au-delà par cette seule charge. La somme, répartie sur 24,100 hectares, donnait un quotient de 145 francs environ par hectare, tandis que les propositions faites roulaient entre 80 et 100 francs. La compagnie anglaise, en se retirant, signifia qu’elle se réservait de faire valoir ses droits à une indemnité pour ses frais de constitution. La compagnie d’Oran, vis-à-vis de laquelle il n’y avait pas d’engagement pris, se contenta de se dissoudre. Seul, M. Antoine Herzog persista ; il résolut de suivre l’affaire jusqu’au bout, et, pour peu qu’elle offrît de chance, de se présenter en son propre nom à l’adjudication.

Ses démarches eurent d’abord pour objet de rendre le cahier des charges plus acceptable. Il avait étudié les lieux avec le coup d’œil de l’ingénieur ; les ouvrages d’art à exécuter lui étaient familiers. Sa fortune lui permettait d’en prendre la responsabilité et de les conduire à bien. Il avait en outre des intérêts de voisinage et des cultures dans le Sig. Pour peu qu’on se fût montré accommodant, le marché pouvait se lier de nouveau, et on eût été sûr, en ouvrant les enchères, d’y trouver au moins un enchérisseur. Les modifications qu’il demandait avaient surtout pour but d’assurer la promptitude de l’exécution. Une année avait été perdue dans les formalités administratives, et pendant ce temps les cultures s’étaient développées partout, excepté en Algérie. Se hâter était le grand point. Quant à M. Herzog, il était prêt, avec des études achevées et des entrepreneurs sous sa main. Le cahier des charges était arrivé à Paris, il devait être discuté par le conseil d’état, en séance publique, le 14 juillet 1863. Son intention était d’y présenter ses observations ; il avait fait plus, il s’était engagé par écrit à paraître aux enchères, pourvu qu’elles eussent lieu à une date rapprochée. Une nouvelle déception l’attendait. Cette séance, qui devait être décisive, n’aboutit qu’à un autre déclinatoire. Le conseil d’état trouva incomplets les projets du gouverneur-général et demanda un supplément d’études ; pour la cinquième fois les dossiers passèrent la mer. Des pièces y manquaient, disait-on, les évaluations des travaux avaient un caractère trop approximatif. Tout autre que M. Herzog eût abandonné la partie ; ces atermoiemens étaient de nature à lasser le plus opiniâtre. Il tint bon néanmoins et attendit. Quatre mois se passèrent ; en novembre seulement, le dossier était de retour au ministère de