Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 52.djvu/721

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

expédiaient en Europe, les longue-soie ne figuraient que pour 45,000 balles, un soixante-cinquième. Ces 45,000 balles défrayaient amplement les besoins ; la part de la France était de 12)000 balles. En y affectant 45,000 hectares de son sol et avec un produit moyen d’une balle par hectare, l’Algérie épuiserait à elle seule ce débouché particulier. Évidemment ce n’est là qu’une culture de luxe, limitée d’un côté par les terrains qui lui sont propres, de l’autre par le débouché qui lui est dévolu. Non qu’elle soit à dédaigner : elle est une richesse acquise et a son objet, elle est en même temps un type de supériorité, précieux comme exemple ; mais à couvrir de grandes surfaces, il faut voir, aller au-delà. Un marché restreint, un produit d’exception portent en eux-mêmes la dégradation des prix, et menacent ainsi la convenance qu’il y a à produire. On s’en apercevrait promptement, si l’effort se portait toujours de ce côté. La seule manière de conjurer ce risque est de faire un pas décidé vers la culture des qualités courantes, les seules que ni la nature des terrains ni les débouchés ne limitent. Quelques essais ont été tentés çà et là ; jusqu’à présent on n’en peut rien conclure. La vogue était au produit supérieur ; les intelligences, les capitaux allaient de ce côté et y vont encore. Tout coton est le bienvenu aujourd’hui, il y a acquéreur pour toutes les espèces tant que la pénurie règne ; mais ce n’est là qu’un état de passage, et il est prudent de songer aux retours de fortune. Les prix actuels sont des prix de disette, sujets à un déclin, soit que les marchés de l’Amérique se rouvrent, soit que d’autres marchés la suppléent. De 6 fr. à 6 fr. 50 c. que vaut le coton ordinaire, il peut retomber à 1 fr. et 1 fr. 10 c, comme il y a cinq ans. C’est une épreuve à laquelle il faut être préparé, et on ne le sera que si les cultures s’étendent et s’appliquent à toute l’échelle des produits, aux qualités ordinaires comme aux qualités fines. La distance des bénéfices entre les unes et les autres n’est pas aussi grande qu’on s’imaginerait à la seule comparaison des prix. Pour les courte-soie, le rendement est sensiblement plus fort, la culture plus sommaire ; la plante est aussi plus robuste, résiste mieux à la sécheresse, aux gelées, aux influences des saisons. On n’a plus, il est vrai, ces rendemens de fantaisie dont, depuis dix ans, on amuse le public, des cueillettes à enrichir les gens faites dans l’enceinte d’un petit clos : on a quelque chose, de plus sérieux, des champs de coton comme ceux dont l’Amérique était naguère si fière. Ces grands tableaux ne sont encore pour nous que des miniatures. Peut-être se passera-t-il en Algérie quelque chose comme ce que l’observation contemporaine a pu constater en Égypte. Là également c’est aux qualités de choix qu’on s’est d’abord attaché. La graine apportée par Jumel, un Français, était des meilleures que Fernambouc