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mais qui mérite plus qu’aucun autre le respect et l’examen, M. Vacherot.

M. Vacherot est avant tout un métaphysicien, et c’est par là qu’il se distingue de tous les esprits critiques et sceptiques auxquels on est tenté d’associer son nom. Parmi ceux-ci, les uns nient entièrement la métaphysique, les autres s’en font une de fantaisie, qu’ils mêlent en passant à toute autre chose. Pour lui, il vit, il respire, il plane avec une joie sereine et candide, avec une liberté et une souplesse singulières, au sein des idées métaphysiques. Ce sont pour lui, comme dirait Malebranche, des viandes, solides ou savoureuses, au prix desquelles les viandes réelles ne sont que de pures apparences. Il peut dire encore, comme Jouffroy lorsqu’on le forçait de quitter ses contemplations intérieures pour les nécessités quotidiennes de la vie, « qu’il abandonne le monde des réalités pour entrer dans celui des ombres et des fantômes. » Ce goût des idées pures donne à son livre De la Métaphysique et de la Science, ouvrage plein de talent, quoique sans art, une sérénité, une placidité touchante malgré l’aridité de certaines conclusions. Le style est ample, libre, pur, noble, et en quelque sorte idéal. Enfin, en lisant ce remarquable ouvrage, on sent qu’on n’est plus dans le domaine de la fantaisie, mais dans celui de la science. Ce n’est plus une agression volontaire, préméditée, insidieuse, ayant pour objet l’établissement d’une puissance nouvelle sur les ruines d’une puissance passée : c’est une recherche pure et sincère, commandée par la conscience et dictée par l’entendement. C’est un plaisir de discuter avec de tels esprits, car on sent qu’ils ne veulent pas nous tromper. Entre eux et nous, il n’y a qu’un seul juge : ce n’est pas l’opinion, ce n’est pas la foule, ce n’est pas tel ou tel parti, c’est la raison même, le Verbe éternel, qui illumine tout homme venant en ce monde.

D’ailleurs il serait tout à fait inexact de voir dans M. Vacherot un adversaire partial et passionné du spiritualisme ; il en est plutôt, sur certains points importans, un auxiliaire indépendant. Ayant vécu pendant longtemps dans le sein de l’école spiritualiste, il a conservé quelques-uns de ses principes les plus essentiels. Il en admet d’abord le principe fondamental, à savoir que la psychologie est le fondement de la métaphysique, et qu’il faut s’élever de l’une à l’autre. N’est-ce pas là ce qu’enseignent M. Maine de Biran, M. Royer-Collard, M. Cousin, M. Jouffroy ? N’est-ce pas par ce principe que cette école se distingue et se caractérise entre toutes les écoles du siècle ? M. Vacherot est aussi opposé que possible à tous ceux qui veulent faire dériver l’âme des forces inférieures de la nature et composer le plus parfait avec le moins ; parfait, ce dont,