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qui touchent par tant de côtés à la science philosophique. » Rien de plus sensé que ces critiques et ces conseils. Avertie et sollicitée par le mouvement de discussion que l’on vient de décrire, la philosophie spiritualiste peut et doit aujourd’hui se remettre courageusement à l’étude des problèmes et reprendre l’œuvre de construction dogmatique qu’elle avait interrompue soit pour l’histoire, soit pour la polémique, soit pour les applications morales. Ces trois parties considérables de la science ne sont pas la science elle-même. Tous les principes ayant été ébranlés, il Faut reprendre l’étude des principes. Psychologie, logique, métaphysique, morale, tout doit être soumis à une sévère révision. Il faut éviter en outre une erreur trop fréquenté : c’est de vouloir tout embrasser à la fois et d’avoir toujours entre les mains une synthèse universelle. Les savans, dans les autres ordres de connaissances, ne commettent pas une pareille faute. Ils étudient chaque question séparément et l’une après l’autre. La synthèse se fait d’elle-même, et si elle ne se fait pas, on attend patiemment qu’elle soit mûre. Pourquoi ne pas procéder ainsi en philosophie ? Pourquoi ne pas se partager les problèmes ? Pourquoi vouloir, sur toutes choses et à propos de tout, dire le dernier mot ? Sachons nous contenter de progrès lents et successifs. Une question spéciale bien étudiée doit avoir plus de prix pour nous que de vagues et vastes généralités, où il est bien difficile d’éviter le lieu-commun. Je dirai aussi qu’il ne faut pas trop se préoccuper des opinions du jour, et consumer sa force dans des débats qui au fond sont assez stériles. Il était bon que le livre de M. Caro fût fait ; mais, maintenant qu’il est fait, j’aimerais assez qu’on s’occupât d’autre chose que de critiquer les opinions d’autrui. Si nous présentons nous-mêmes de fortes pensées, on nous tiendra volontiers quittes des critiques de nos adversaires. Si nos pensées sont faibles, il ne nous servira de rien d’avoir fait contre tel et tel de bons argumens. Les lecteurs s’amuseront du combat, mais ne feront pas pour cela un pas vers nos idées. ; Enfin le public lui-même ne doit pas toujours être devant nos yeux. C’est pour avoir trop voulu plaire au monde que la philosophie spiritualiste s’est affaiblie. Ceux qui nous l’ont reproché le plus amèrement ne voient pas qu’ils tombent dans la même faute à leur tour ; ils s’y affaibliront également. Il faut éviter sans doute le jargon et le pédantisme ; mais la sévérité de la vraie science ne comporte que rarement les beautés et les agrémens de l’éloquence.

Enfin la philosophie ne doit pas oublier qu’elle est une science, et que le rôle, que le devoir même de la science est le progrès. C’est par là que la philosophie se distingue de la religion. Celle-ci (du moins telle qu’on la conçoit dans les pays catholiques) est nécessairement