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nous créera des diversions encore plus utiles que l’idée de nationalité. La liberté n’est donc plus seulement réclamée par le sentiment de notre dignité intérieure. L’incertitude de la situation de l’Europe nous presse d’en faire l’arme de notre défense extérieure, et de retourner contre nos sourds ennemis ses feux invincibles.

Quand, pénétré de l’idée que la grandeur et la sécurité de la France sont attachées à la prompte rénovation libérale de nos institutions, on tourne ses regards sur le présent, on y trouve à la vérité peu d’encouragemens, et cependant en un pays comme le nôtre, si facile à la prostration, mais si prompt à l’élan, il ne faut jamais désespérer. Les sévérités dont la presse est l’objet ne se relâchent point. Un procès retentissant va nous montrer la libre initiative des électeurs aux prises avec une législation ancienne qui paraît incompatible avec l’esprit du suffrage universel et de la souveraineté populaire. Les élections des conseils-généraux venaient d’apprendre au gouvernement qu’il n’avait point à se repentir de la modération habile que le ministre de l’intérieur, M. Boudet, avait apportée dans cette importante opération politique, et c’est en ce moment que, par un contre-temps regrettable, on met en accusation, comme auteurs d’une association illicite, treize citoyens qui, dans les élections générales, avaient donné au mouvement libéral un concours actif et dévoué. Que sortira-t-il de cette lutte judiciaire ? Rien que de favorable, nous en sommes sûrs, à la cause libérale. Il ne faut pas que l’administration espère trouver dans ce procès une sorte de représailles contre les discours prononcés par les députés de l’opposition lors de la vérification des pouvoirs. Les meneurs électoraux de l’opposition que le ministère public dénonce ne sont que treize ; entre ces treize députés ou avocats et l’armée de fonctionnaires contre laquelle ils ont essayé de lutter, la partie était-elle égale, et les sympathies généreuses du public peuvent-elles hésiter ? Toutes les illustrations du barreau de Paris, le conseil de l’ordre, se sont réunis pour assister les treize. Cette affaire aura donc le retentissement qu’elle mérite ; elle prendra le caractère d’un grand débat politique, et sera pour l’opinion quelque chose de plus qu’un intéressant spectacle. Les causes politiques n’ont jamais eu à regretter d’avoir traversé de telles épreuves. Tandis que cet épisode se prépare, il ne paraît pas probable que dans des régions élevées on n’apprête point quelques combinaisons nouvelles en vue de la prochaine session du corps législatif. Les bruits de modifications ministérielles reviennent toujours. Ces modifications, si elles ne se réduisent qu’à des questions de personnes, ne sauraient offrir un grand intérêt. Ce qui serait plus important, c’est la réforme depuis longtemps attendue qui permettrait aux ministres de venir exposer et soutenir eux-mêmes devant les chambres les actes de leurs départemens. Les esprits les moins suspects de parlementarisme sont aujourd’hui d’accord pour reconnaître que cette mesure est nécessaire à la bonne expédition des affaires, et ne pourrait