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par le bizarre état d’équilibre numérique auquel étaient arrivés dans la chambre les partis de la réaction et du progrès. La dissolution de la chambre et les élections générales mettront fin, nous l’espérons, à cette situation, où les partis se neutralisent et se réduisent à l’impuissance. Nous ne doutons point que le parti libéral belge n’aborde cette épreuve électorale avec l’activité, le zèle et l’énergie qui assurent la victoire. Ce parti ne doit point oublier la solidarité qui en ce moment unit en Europe toutes les causes libérales. Il sait que les victoires ou les défaites du libéralisme ne sont point des accidens locaux et isolés. Nous espérons donc que, par son triomphe électoral, il donnera aux libéraux européens un bon exemple et un salutaire encouragement.

L’Espagne, éloignée de la mêlée européenne, pourrait exercer, elle aussi, une influence bienfaisante au-delà de ses frontières, si elle savait tirer parti d’une situation qui, à certains points de vue, est véritablement exceptionnelle ; mais l’Espagne a d’étranges indolences, de singuliers caprices et d’inexplicables entêtemens. Parmi les hommes publics, il y a trop d’intelligence pour qu’on puisse expliquer les fautes commises autrement que par une paresseuse incurie. L’Espagne a depuis quelques années deux torts graves : elle cherche des querelles dans l’Amérique espagnole, et elle ne veut pas mettre dans ses finances un ordre définitif qui élèverait son crédit à une hauteur florissante. Les affaires que l’Espagne s’est suscitées dans l’Amérique espagnole n’ont fait que grever ses finances sans aucune compensation politique, et il n’est pas douteux que, si elle s’engage plus avant dans sa lutte avec le Pérou, elle s’imposera en pure perte de lourds sacrifices financiers. Si du moins ce penchant aux dépenses inutiles et de fausse gloire avertissait l’Espagne de mettre ordre à son crédit, ce ne serait que demi-mal, car un pays comme celui-là est assez riche pour payer ses folies. Malheureusement, grâce à l’obstination incompréhensible du ministre des finances, M. Salaverria, le crédit espagnol jouit en ce moment sur le marché du continent du plus mauvais renom. On dirait que M. Salaverria est un de ces trésoriers des monarchies barbares du moyen âge qui pensaient gagner beaucoup à frustrer les créanciers publics. L’Espagne est le seul état européen qui, grâce à M. Salaverria, entretienne comme un monument le souvenir de ses banqueroutes passées. Elle a des dettes passives, c’est-à-dire des dettes dont elle ne sert plus les intérêts, ayant fait banqueroute à cette catégorie de ses créanciers, et dont elle ne reconnaît plus que le capital ; mais, en réduisant ces dettes passives au capital sans intérêt, les auteurs des règlemens de la dette espagnole s’étaient obligés à opérer, au moyen de ressources affectées à cette destination, l’amortissement de ce capital. M. Bravo Murillo notamment fit en 1851 un règlement de ce genre qui indiquait avec clarté et précision les ressources appliquées à l’extinction des dettes passives. Les conditions offertes par M. Bravo Murillo furent acceptées, les créanciers et les porteurs actuels