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arabes achètent des enfans pour les élever dans l’esclavage et les revendre sur la côte.

N’ayant pu se procurer d’embarcations d’une force suffisante pour affronter les périls d’une navigation dans la partie sud, de beaucoup la plus étendue et la plus orageuse, les voyageurs se bornèrent à explorer la partie septentrionale, la plus importante d’ailleurs pour la solution du problème qui leur avait été confié. Ils la traversèrent plusieurs fois, y firent de nombreuses excursions, en longèrent les côtes, ne négligèrent rien pour en avoir la configuration et tracer la topographie de l’ensemble du bassin, bien que leurs pénibles travaux fussent souvent arrêtés par des pluies torrentielles. Ce lac ne reçoit les eaux que de deux rivières, qui’ méritent d’être signalées, le Marungu au midi et le Malagarazi à l’est, mais les explorateurs demeurèrent convaincus qu’aucun cours d’eau n’en sort, et que le Tanganika n’est pas le réservoir où le Nil prend naissance. Les montagnes qui lui servent de rempart au nord le prouvent assez clairement, ainsi que le niveau du lac, qui est inférieur à celui du plateau dans lequel il est enclavé.

Ils mirent deux mois et douze jours, en comptant les repos forcés que la pluie leur imposait, à faire ce travail d’exploration, naviguant dans des canots découverts qu’un coup de vent pouvait faire chavirer. Après avoir été trempés par la pluie ou brûlés par un soleil vertical, ils n’avaient souvent pour lit qu’une terre humide sous une abondante rosée. La santé de fer des deux officiers indiens ne put résister à un tel régime. Ils tombèrent successivement malades, et ne purent se remettre de tant de fatigues qu’à Kaseh, où ils furent de retour vers la fin de juin. Leur mission n’était qu’imparfaitement remplie. Ils avaient bien découvert un des grands lacs des régions subéquatoriales, mais ce n’était pas celui qui donne naissance au Nil, et dans tous les cas ce n’était pas celui d’Ukéréwé, sur les bords duquel viennent s’arrêter les caravanes qui partent de Tanga. Ce lac, au dire de leur hôte, le marchand arabe Shay, qui avait beaucoup voyagé dans ces contrées, se trouvait au nord de Kaseh. Ils voulurent s’en assurer : une petite caravane fut organisée, car celle qu’ils avaient formée à Zanzibar s’était dispersée longtemps avantleur arrivée à Ujiji. Leurs trente ânes étaient morts, leurs porteurs avaient pris la fuite, leur bagage était en partie perdu, et leur escorte, qui se cachait dans les jungles à la première apparence : de danger, avait été renvoyée. Il ne leur était resté que trois serviteurs fidèles. La santé de Burton ne lui permit pas de se remettre en route ; elle avait été plus sérieusement compromise que celle de son compagnon. Sans doute, s’il eût prévu les beaux résultats que Speke allait obtenir, il aurait fait un plus grand effort pour