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à Zanzibar, où ils ont été reçus en triomphe et ont obtenu les récompenses qu’ils avaient bien méritées. Ils étaient tout disposés, ont-ils fait dire à leur chef, à se remettre en route, s’il lui prenait fantaisie de traverser l’Afrique de l’est à l’ouest.


VII

Le voyage que nous venons de raconter est un des grands événemens scientifiques de notre époque. Le capitaine Speke n’aurait pas atteint le but qu’il s’était proposé, qu’il aurait encore droit à la reconnaissance de tous ceux qui ont à cœur les progrès des sciences géographiques. Partir de Zanzibar avec la résolution bien arrêtée d’arriver au Caire en descendant le Nil dès son origine, c’était une entreprise colossale, et il fallait pour l’accomplir un homme doué de toutes les qualités qui font le voyageur intrépide et l’explorateur intelligent.

A-t-il résolu le problème ? Est-ce bien la première origine du Nil qu’il a découverte au grand déversoir du canal Napoléon ? Ne serait-il pas tombé dans l’erreur que commettrait un voyageur qui placerait les sources du Rhône à Genève, parce que ce fleuve sort du lac dans cette ville, sans se demander si cette sortie ne serait pas le prolongement de son entrée à l’extrémité du lac ? Il a prévu cette objection et y a répondu d’avance en rappelant les recherches qu’il a faites, les renseignemens qu’il a pris pour arriver à une connaissance exacte des cours d’eau qui se jettent dans le Nyanza. Il a acquis, dit-il, la certitude qu’il n’y avait que le Kilangulé qui versât dans ce lac un volume d’eau à peu près égal à celui qui en sort à la cataracte de Ripon ; or il a fait remarquer que la science ne pourrait jamais prendre cette rivière comme la branche-mère du Nil. Cette observation est juste, seulement il reste des doutes sur la valeur de ses renseignemens et l’étendue de ses recherches. Nous pensons qu’il peut s’être trompé sur le nombre et l’importance des tributaires du lac. La partie qu’il a laissée inexplorée, et où il ne place aucune rivière, est considérable : c’est d’abord l’est tout entier à partir de la pointe méridionale du triangle, trois degrés en étendue, puis le nord-est. Il sait cependant qu’entre le Nyanza-Victoria et l’Océan-Indien se trouve une chaîne de montagnes qui suit une ligne parallèle à la mer, et à laquelle appartiennent les monts Kilimandjaro et Kénia. Le versant oriental de ces montagnes donne naissance à plusieurs fleuves qui se jettent dans la mer : pourquoi n’en serait-il pas de même du versant opposé ? Comme cette chaîne suit à peu près le même méridien, il en résulte que les deux versans sont dans des conditions climatériques à