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le triste héritage de la mère-patrie. Il ne serait pas plus juste de considérer l’Australie comme une vaste exploitation minière où accourent de toutes parts les hommes qui veulent gagner beaucoup avec peu de travail. Les terrains aurifères attirent, il est vrai, de nombreux vagabonds qui promènent leur activité inquiète et leurs habitudes de désordre sur toutes les côtes du Pacifique, de la Californie à la Colombie britannique, de la Victoria à la Nouvelle-Zélande ; mais ces hommes sans ressources et sans fixité forment une minorité insignifiante au milieu d’une population sage et laborieuse. Les mines d’or du continent austral sont assez anciennes déjà pour que l’exploitation y ait pris une allure régulière. Les terrains aurifères sont d’ailleurs bien restreints en comparaison des immenses surfaces qui, d’après les derniers voyages d’exploration[1], sont propres à la culture ou au pâturage. Les districts d’où l’on extrait l’or tiennent peu de place, tandis que les troupeaux pénètrent partout[2]. Ce sont les squatters qui occupent la terre, qui pénètrent à l’intérieur du continent, qui découvrent et colonisent de nouvelles régions. « Voilà nos véritables mines d’or, » disait un commissaire australien à l’exposition de Londres en montrant les échantillons de laine qu’il avait apportés. Au reste, les squatters forment l’aristocratie de la société coloniale. Pendant longtemps, ils ont été presque seuls dans les parlemens locaux et ont dirigé à leur guise toutes les grandes affaires de la colonie, l’immigration par exemple. Quoique leur influence diminue à mesure que se développent les autres branches de l’activité humaine, la suprématie appartient encore, en Australie comme partout, à ceux qui possèdent le sol. Les hommes qui ont le plus contribué à transformer ces solitudes australiennes en un pays prospère sont ceux aussi à qui. il convient de demander comment on fonde des colonies florissantes.


I

Le modeste établissement pénitentiaire que le capitaine Phillip avait fondé en 1788 sur les bords du Port-Jackson fut en quelque sorte abandonné à lui-même jusqu’aux derniers jours des guerres de l’empire. Il fallait à cette époque six mois au moins pour faire le voyage d’Angleterre à Sydney. En outre la source impure qui alimentait

  1. Voyez la Revue du 1er juillet.
  2. Dans le tableau des exportations de 1861, l’or figure pour environ 200 millions de francs, la laine, le soif et les cuirs, produits des troupeaux, pour 125 millions ; mais l’or provient en presque totalité de la province de Victoria, tandis que les exportations de laine s’opèrent par tous les ports du continent.