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rester aux antipodes afin d’éviter qu’ils ne revinssent dans la mère-patrie, semblaient avoir plus de droit aux encouragemens de l’état que les émigrans libres. L’arrivée de sir Thomas Brisbane, nommé gouverneur en 1822, fit entrer l’administration locale dans de nouvelles voies. On fit connaître en Angleterre que de vastes surfaces étaient libres pour la colonisation dans une contrée riche, fertile, où les troupeaux se multipliaient et s’amélioraient d’une façon prodigieuse. La terre était offerte gratuitement à tous les cultivateurs qui voudraient émigrer, sous la seule réserve qu’ils posséderaient une somme de 12,500 francs pour mettre le sol en culture et subvenir à leurs frais de premier établissement. Cette somme était assez faible pour que de nombreux émigrans pussent profiter de l’offre qui leur était faite, et elle était assez considérable cependant pour écarter les aventuriers qui n’auraient présenté aucune garantie de moralité. Des officiers retirés du service, des cadets de familles honorables arrivèrent en foule. La terre leur était concédée gratuitement, mais non en toute propriété. Ils n’en avaient que la jouissance temporaire ; le gouvernement leur accordait seulement l’usufruit, se réservant de reprendre le fonds, si l’intérêt général l’exigeait.

Peu d’années après, en 1826, on vit se former une compagnie d’agriculture qui obtint une concession de 400,000 hectares à Port-Stephen, à 150 kilomètres au nord de Sydney, dans une contrée arrosée par de nombreux cours d’eau. Cette compagnie apportait d’Europe des ustensiles de toute sorte, des graines variées, des arbres à fruit, des oliviers et des ceps, de beaux étalons et des jumens de pur-sang, ainsi que 2,000 mérinos. En même temps elle introduisit un grand nombre de colons probes et laborieux. Le premier effet d’une telle entreprise fut d’augmenter dans une forte proportion le prix du bétail existant, et les colons plus anciens en profitèrent. Il y eut ensuite, — c’était une conséquence inévitable,-— une réaction brusque, qui mit en péril les fortunes naissantes ; mais l’élan était donné. Les habitans de Sydney, négocians et médecins, officiers et hommes de loi, les prêtres même, ne songèrent plus qu’à obtenir des concessions de terres, un run pour l’élève des troupeaux. Le gouvernement accueillit ces demandes avec d’autant plus de faveur que les explorations s’étaient étendues depuis longtemps au-delà des Montagnes-Bleues. D’immenses étendues de terrain propre au pâturage étaient alors disponibles ; aussi la garantie pécuniaire d’un capital de 12,500 francs ne fut même plus exigée : les colons s’étendirent sur les plateaux récemment découverts à l’ouest de Sydney avec une rapidité merveilleuse. En 1828, la Nouvelle-Galles du Sud possédait déjà 540,000 moutons et 260,000 têtes de gros bétail ; la population était de 36,000 habitans. Déjà aussi la