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de la province de Victoria, il ne tomba pas une goutte de pluie pendant quatre mois, de décembre à avril. La saison de 1861 à 1862, pendant laquelle furent accomplis les plus heureux voyages à travers le continent, fut au contraire froide et humide.

Eaux de pluie ou eaux courantes, c’est en somme l’insuffisance des eaux qui fait la pauvreté de l’Australie centrale. Tantôt elles manquent tout à fait, et des voyageurs retrouvent d’une année à l’autre la trace de leur premier passage. Tantôt aussi elles se précipitent impétueuses, torrentielles, et menacent d’engloutir tout ce qui se trouve sur leur passage. Il semble qu’il y ait ici un cercle vicieux auquel on ne peut échapper, et que les torrens d’un jour soient précisément un obstacle au développement de la végétation qui les transformerait en ruisseaux paisibles et fécondans. On croirait volontiers que, les arbres ne pouvant croître sur un sol desséché et le sol ne pouvant rester humide tant qu’il sera dépourvu de végétation, le centre du continent est condamné à une stérilité perpétuelle ; mais la nature a par elle-même la force d’améliorer. Les torrens, si éphémères qu’ils soient, déposent des détritus qui fécondent ; les végétaux, qui se développent après leur passage et grâce à l’humidité qu’ils ont laissée, périssent promptement, mais enrichissent la terre de leurs débris. Il s’opère ainsi une transformation lente et continue qui améliore les plus mauvais sols et les prépare pour l’avenir. L’homme contribue à rendre cette évolution plus rapide, et la culture pastorale, si précaire qu’elle soit, exerce une influence salutaire sur les terrains qu’elle occupe.

La question la plus importante pour le moment est de savoir sur quelle surface à peu près s’étendent les districts vraiment stériles où le colon ne peut même pas aventurer ses troupeaux. Il serait difficile d’y répondre, tant l’aspect du pays varie d’une année à l’autre. On compte dans l’histoire de la colonie des époques néfastes où les ruisseaux les plus abondans dans les années ordinaires furent tout à fait mis à sec. Telle fut la période de 1837 à 1839, qui vit périr une grande partie des troupeaux de la Nouvelle-Galles du sud. La province de Victoria fut frappée du même fléau au commencement de l’année 1851. Sauf le voisinage immédiat des grosses rivières, il n’y a guère de district qui ne soit atteint, une année ou l’autre, par une sécheresse désastreuse ; mais par bonheur cette calamité n’a jamais un caractère général. Quand une colonie souffre et que ses moissons sont compromises, les autres provinces sont prospères et peuvent combler le déficit de la récolte. Lorsque les pâturages sont brûlés par la chaleur sur un point, les bergers n’ont qu’à conduire leurs troupeaux dans les cantons voisins qui ont été épargnés. En réalité, les portions les plus stériles de l’intérieur sont