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LA
MARINE D'AUTREFOIS

I.
LES STATIONS DE LA MEDITERRANEE. — 1830-39.

Le grand attrait de la vie du marin telle que nous l’avons connue, il y a quelques années, les personnes étrangères au métier de la mer ne l’ont peut-être jamais bien compris. Ce qu’aimaient avant tout dans notre profession ceux qui étaient nés pour s’y complaire, c’était le navire qu’ils montaient ; ce qui remplissait leur cœur d’émotions inconnues « au reste des humains, », c’était cette sorte de satisfaction orgueilleuse et intime qu’éprouve quelquefois le chasseur, plus souvent le cavalier, que le marin seul a goûtée dans sa plénitude ; c’étaient, — car je puis d’un seul mot rendre ma pensée, — les joies de la manœuvre. On naissait manœuvrier comme on naît poète ; c’était affaire d’instinct. La sagacité, qui s’acquiert par la réflexion et par l’étude, ne pouvait suppléer à ce tact et à cet à-propos qui viennent de l’acuité des sens plus encore que des opérations trop lentes de la raison. Sans avoir livré de bien grands combats ni rempli de missions particulièrement délicates, sans avoir rien glané dans le domaine de la science, tel officier que je pourrais nommer se voyait entouré, il y a vingt ans, de la considération la plus grande et d’une déférence universelle. On disait de lui : c’est un marin ! Et cela voulait dire : c’est un homme