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L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE DES FILLES.

d’autres : il s’agit de savoir si on fait tout ce qu’on peut faire et tout ce qu’on doit faire. C’est là la véritable question pour des gens sérieux, qui ne se préoccupent ni des intérêts d’une administration, ni de ceux d’une opposition, et qui ont à cœur par-dessus tout les intérêts de l’instruction primaire. Le dernier Exposé de la situation de l’empire déclare que 600,000 enfans ne reçoivent aucune instruction, et que, parmi ceux qui appartiennent nominalement aux écoles, un très grand nombre n’y apprennent rien. Est-ce là un état de choses qu’on puisse accepter pour un pays tel que le nôtre et pour une époque signalée par tant de progrès ? Pendant qu’on fait de très louables efforts pour améliorer l’instruction primaire des garçons, on laisse dans le dénûment les écoles primaires de filles : il suffit, pour s’en convaincre, d’ouvrir les lois de finances. Cette inégalité, maintenue depuis l’empire sous tous les gouvernemens, devrait nous obliger à parler modestement de nous-mêmes. Quand M. Guizot fit adopter en 1833 cette excellente, cette admirable loi sur l’instruction primaire, qui contenait les principes de tous les progrès, la chambre des députés écarta les dispositions relatives à l’enseignement primaire des filles. M. Cousin s’en plaignit hautement, éloquemment devant la chambre des pairs. Ce n’était, disait-on, qu’un ajournement. Il y a trente et un ans qu’on disait cela. Enfin il est permis d’espérer que cette longue injustice touche à son terme.

Tout le monde en ce moment se préoccupe de l’instruction des filles, le gouvernement comme le pays. Chacun s’empresse d’apporter son programme. Ce n’est pas tant d’un programme que nous avons besoin, c’est d’argent. La loi de 1833 a fait pour les écoles de garçons un programme excellent, qu’il faut tout uniment imposer aux écoles communales de filles, en y joignant les travaux de couture. Si les commissions qu’on pourra instituer trouvent moyen d’améliorer le programme de 1833, nous n’y faisons pas d’opposition, quoique nous ayons en général peu de goût pour les programmes ; mais la véritable commission de l’instruction primaire des filles, c’est la commission du budget. Aujourd’hui nous n’avons pas assez d’écoles, et plus de la moitié de ces écoles sont des écoles mixtes, c’est-à-dire des écoles de garçons où les filles sont reçues. Nos écoles de filles proprement dites sont dans une situation tellement précaire que le recrutement des institutrices est impossible. Non-seulement on est obligé de s’adresser presque partout aux religieuses, mais il a fallu introduire dans la loi, une inégalité au moins suspecte, et dispenser les religieuses de la production du brevet de capacité. Pour démontrer la nécessité de créer un budget de l’instruction primaire pour les filles, nous ne voulons faire aucun rai-