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cassée par un diplôme authenthique que le roi a donné, où il s’oblige de me faire revenir et rendre toutes les pièces faites et dressées entre moi et les Courlandais… Il est très singulier que le roi n’ait pas eu la fermeté de tenir bon, ayant eu tous les ministres étrangers pour moi, un grand-général[1], et un parti assez nombreux dans la Pologne ! On a même fait la mine à ceux des nonces qui parlaient en ma faveur. La Pociey s’est tuée de faire dire au roi qu’il n’avait qu’à déclarer qu’il ferait ce que la république voudrait, mais qu’il fallait être d’accord ; non, tout cela n’a rien fait ! Le ministre de Russie lui a fait savoir qu’il devait seulement lui donner le temps de parler, qu’il avait de quoi faire bien vite taire la république ; point du tout, cela n’a rien fait ! Savez-vous ce que ce galant homme de feld-maréchal a fait pour m’empêcher d’arriver ? Il a fait accroire au roi que tout irait le mieux du monde, pourvu que ma présence n’agitât pas les esprits. Là-dessus on m’envoie un courrier ; je demeure à Covenau, et dans un tour de main on fait peur au roi, on le fait signer. Voilà où j’en suis, mon cher comte. Il est fâcheux qu’une affaire aussi bien annoncée que l’était celle-là devienne une difficulté affreuse par la faute de ceux qui devaient m’aider. Le grand-général s’est tiré d’affaire en grand homme et ne m’a pas tourné le dos un moment. Ses ennemis ont été trop heureux de se taire, et il les pousse encore actuellement l’épée dans les reins, si bien qu’ils ne savent où se fourrer. Une autre fois je vous dirai ce qui a fait peur au roi… (Ici plusieurs lignes indéchiffrables.)… Je ne puis me résoudre à vous laisser dans le doute de ce que je ne vous ai pas expliqué dans ma lettre. Sachez donc que la tsarine voulait contracter une alliance étroite avec Je roi, pour être soutenue dans ses vues, et que pour cet effet elle voulait me donner la princesse Elisabeth ; c’était une affaire bâclée. Le courrier que je reçus de Pétersbourg, je l’envoyai au roi qui le reçut à Bialistock chez Branicki. Sur cette bonne nouvelle, on but, et le roi, qui recommande toujours aux autres de se taire, eut la bonté d’en faire confidence à cette grande haquenée de Corongine[2] ; qui l’a d’abord dit à qui a voulu entendre. Jugez comme cela les a hâtés d’aller. On lui a parlé de confédération, la peur lui a pris ; vous savez le reste. Le prince royal, du temps qu’il était à Varsovie, m’a fait les premières ouvertures là-dessus et m’a écrit que cette affaire, se proposait. Je l’ai mise… (Plusieurs mots illisibles.)… et puis on me l’a fait peter dans la main. Je vous l’avoue, j’en suis furieux, et pour moi, et pour le roi, et pour le prince, à qui je suis sincèrement attaché. Croyez-moi, mon cher comte,… (Plusieurs mots illisibles)… et si la postérité le croira. »


Inutile de dire que Maurice, d’abord un peu étourdi du coup qui vient de l’atteindre, ne se résigna pas facilement. Il s’agit bien des compensations que lui promet le roi, quand son honneur est engagé auprès des Courlandais ! Il poursuit sa route, arrive à Grodno, et y

  1. Le comte Pociey. Ce mot de grand-général représente ici un titre et non une appréciation donnée par Maurice.
  2. Le mot est-il estropié ? est-ce un nom véritable ? Le directeur des archives de Dresde se borne à mettre ici un point d’interrogation. On aimerait à savoir quelle est cette grande haquenée.