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REVUE MUSICALE

ROLAND A RONCEVAUX, de M. MERMET

Lorsqu’un ingénieux et savant écrivain publiait ici même autrefois ses remarquables études sur la chevalerie[1], il ne se doutait guère que, parmi tant de trésors littéraires, ces pages fécondes contenaient aussi tout un grand opéra. Depuis le jour où M. Ampère semait le germe jusqu’au jour de l’épanouissement, plus d’un quart de siècle s’est écoulé; vingt-six ans pour mener à terme une partition, c’est presque ce qu’il faut à Dieu pour faire un chêne! À cette époque, il advint que M. Mermet cherchait un sujet : quel musicien, du plus grand au plus infime, n’en est là, quœrens quem devoret? Un moment son esprit à tendances épiques s’arrêta aux Niebelungen, qui plus tard devaient fixer M. Richard Wagner; mais bientôt le sujet, par son horreur, l’effraya. Il voulait un rôle de femme, de la passion, de la tendresse, et dans cette grandeur ne rencontrait que barbarie. Il lisait donc, compulsait les manuscrits de la Bibliothèque, prenait des notes, mais sans avancer. Tout en sachant ce qu’il voulait, il ne trouvait pas. Que faire? S’adresser aux maîtres du genre, leur demander un poème selon son goût? M. Mermet ne l’eût osé; contre l’excès d’une pareille démarche, la conscience de sa profonde obscurité le défendait. D’ailleurs, si modeste qu’il fût, ce musicien se sentait de force, le cas échéant, à se tailler lui-même sa besogne. Il y a chez M. Mermet un bon fonds littéraire, une sorte de carrure intellectuelle qu’on remarquera chez presque tous les hommes qui se rattachent plus spécialement à la tradition directe de Gluck. L’étude d’Ampère, paraissant sur ces entrefaites, fut le trait de lumière. Pour cette imagination possédée des souvenirs d’Armide, quelle

  1. Voyez la Revue du 1er et 15 février 1838.