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de l’union des églises libres qui porte le nom de Réforme évangélique n’en est pas moins florissante, grâce aux efforts de M. de Pressensé, de M. Fisch, de M. Bersier, et elle est animée d’un esprit libéral et chrétien que nous voudrions voir se propager. Qui peut douter que dans ces églises qui n’ont point de sacerdoce, où tout ce qui est extérieur est fort simple, où aucune obéissance passive n’est prescrite ni recommandée, où aucune autorité ne s’élève au-dessus de la Bible et de la conscience, la formation des congrégations, leur organisation intérieure, l’existence des ministres de l’Évangile ne pussent être abandonnées au libre soin des fidèles ? Alors les exigences comme les concessions de la foi cesseraient d’être l’objet d’aucune critique ; tous les membres de l’association, égaux dans leurs droits, maîtres de refuser ou d’accorder leur confiance, auraient toujours un recours dans la liberté commune. Tout le monde a entendu parler d’un acte d’exclusion dogmatique qui a dernièrement agité le consistoire de Paris et contristé ceux-là mêmes qui s’y sont prêtés. Nul doute que bien des griefs et des peines n’eussent été épargnés aux intéressés, si la mesure n’avait été prise par une autorité légalement privilégiée, et si la liberté était égale entre ceux qui censurent et ceux qui sont censurés. Ce qui a choqué les esprits droits, c’est que le même pouvoir consistorial ait pu exercer sur ce qui lui a semblé l’hétérodoxie le même droit d’exclusion dont il se serait peut-être armé, il y a trente ou quarante ans, contre l’orthodoxie. Aux institutions légales, il faudrait une jurisprudence fixe ; mais avec cette condition la liberté de conscience ne serait plus entière.

Si le protestantisme échappe avec tant de peine à notre passion de tout administrer, même le spirituel, combien plus grande doit être la difficulté d’en affranchir nos églises catholiques ! Elles mettent en général leur point d’honneur dans leur inflexibilité ; fondées, comme elles s’en font gloire, sur le principe de l’autorité, comment pourraient-elles trouver superflu ou funeste tout ce qui augmente leur force impérative et change en infraction à la loi commune l’insubordination, la protestation, la dissidence ? Accoutumées trop longtemps à compter sur le bras séculier, elles n’osent admettre qu’il pourrait se retirer d’elles et les livrer sans défense à la discussion et à la concurrence. L’expérience même des variations de ce pouvoir temporel, qui parfois se retourne contre elles et leur reprend ce qu’il leur a donné, ne les guérit pas de ce penchant à s’adosser au plus fort. Elles n’ont pu encore se persuader que pour elles la liberté ne fût pas un piège, l’égalité ne fût pas l’oppression. Le jour où l’idée du droit commun aura pénétré dans l’église catholique, une grande et heureuse révolution sera en vue ; mais ce jour est encore loin.