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fête : ils allumaient de grands feux au sommet de chaque dune, et tantôt éclairés par les flammes agitées, tantôt laissés dans l’ombre, ils couraient de côté et d’autre en poussant des cris de joie et en tirant des coups de fusil. C’était une fantasia nocturne. Avant l’aube, les tireurs échangeaient leurs fusils ; par cette coutume qu’imposait la tradition, ils rappelaient, sans doute à leur insu, les usages de leurs ancêtres, les guerriers ibères échangeant leurs armes avant la bataille en signe de confraternité. De nos jours, la fête d’Yons est devenue une frairie vulgaire où l’on boit, où l’on mange, où l’on crie. De toutes les choses du passé, ce qui se conservera peut-être le plus longtemps dans le Marensin aussi bien que dans les contrées voisines, c’est la sorcellerie : de vieilles femmes, la pratiquent dans l’ombre, loin des regards de la police.

Quelques monumens des landes rappellent encore les siècles du moyen âge : ce sont les obélisques ou colonnes de Mimizan et de Saint-Girons. À une distance de 900 mètres environ au nord-ouest de Mimizan, et non loin des bords du courant, se dresse sur un terre-plein de 200 mètres de tour une colonne ronde, haute de 5 mètres et construite en minerai de fer rongé par le temps. À 900 mètres au nord-est du village, une autre colonne plus massive et terminée par un pyramidion à quatre faces s’élève sur une plateforme assez étroite. Une autre colonne qui se trouvait au sud-ouest de Mimizan n’est plus signalée que par des amas de pierres écroulées. Enfin il ne reste plus de vestiges de plusieurs autres piliers qui marquaient le périmètre d’une enceinte idéale ayant environ 1,800 mètres de côté. Ces colonnes ont été sans doute englouties par les sables, ou bien exploitées par les ouvriers d’une fonderie voisine à cause du minerai de fer qui avait servi à les construire[1]. Quatre monumens du même genre, moins élevés et plus rapprochés les uns des autres que ceux de Mimizan, avaient été également construits autour du village de Saint-Girons. Il en existe encore trois. Le plus remarquable de tous, surmonté d’une croix fleurdelisée qui date probablement du siècle dernier, se dresse au sommet d’un monticule de sable fixé par des plantations d’arbres depuis un temps immémorial : elle est bâtie en pierres nummulitiques qu’on a dû apporter des collines de la Chalosse, situées au moins à 40 kilomètres de distance. Que signifiaient ces hautes bornes élevées autour des villages de Saint-Girons et de Mimizan ? Quelques archéologues y voient, sans aucune raison plausible, des colonnes érigées par des soldats romains aux limites d’un camp. D’après la tradition populaire, qui nous semble être fondée sur la vérité, elles indiquaient les angles de lieux de refuge ou de sauvetats formés par le village et sa

  1. Sur la carte de Cassini, datant de la fin de siècle dernier, sept pyramides sont figurées comme existant encore autour de Mimizan.