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peine effleurés, à peine ouverts. À Rio, où le travail s’est toujours concentré de préférence depuis les premiers temps, et où un volume énorme de déblais recouvre le gisement primitif, la chose est moins aisée ; mais l’aspect même de ces déblais est peut-être ce qui frappe le plus le géologue. La quantité qui en existe surpasse tout ce que l’imagination peut se figurer. C’est à plus de cent millions de tonnes qu’il faut évaluer ces masses accumulées depuis près de trois mille ans. Chaque fois qu’on a voulu jeter la sonde dans ces terres pour se livrer à un cubage approximatif, on est resté surpris des résultats que donne le calcul. La poussière ferrugineuse, solidifiée par les siècles, s’est reconstituée en véritables montagnes, qui ont jusqu’à 200 mètres de haut. Les pluies en ont raviné les pentes ardues, y creusant des anfractuosités profondes. En d’autres points, la végétation des maquis est venue recouvrir les déblais et les a encore consolidés, comme ces pins qu’on plante sur les dunes pour les fixer tout à fait au sol. On y distingue différentes couches variant du rouge sombre ou violacé au rouge sanguin, d’après la qualité du minerai dont ces sables proviennent. Des strates se sont même formées comme dans les terrains géologiques, et des lignes parallèles, inclinées, marquent le talus le long duquel s’accumulaient ces déblais. Il n’est pas jusqu’à des puits de mines profonds et des tunnels d’une grande longueur qu’on n’ait pu percer dans ces jetées, tant la masse en dépasse toute limite. La fouille au pic et à la pelle suffit pour les désagréger de nouveau, et l’on comprend combien l’exploitation en est à la fois facile et peu coûteuse.

S’il est quelque chose d’aussi surprenant que ces gigantesques dépôts, témoins muets d’une exploitation de trente siècles, c’est la façon même dont se présentent le gîte de Rio et les quatre autres qui lui sont subordonnés. Certains géologues ont vu dans ces gîtes ferrugineux un sédiment produit par les eaux au fond d’une mer, d’un golfe ou d’un lac, comme pour les argiles et les calcaires, les autres d’immenses filons, comme pour le cuivre ou l’argent ; mais aucune direction, aucune inclinaison n’est visible : il n’y a donc ni strates ni filons. D’ailleurs, à part le gîte de Vigneria, qui se soude à celui de Rio, il n’existe entre les cinq districts aucun lien de continuité apparent. Quelques savans ont songé à des filons sous-marins rompus, disloqués, rejetés sur les bords de l’île, et dont les gisemens actuels représenteraient les immenses débris ; néanmoins ces gisemens sont bien en place, au lieu même où ils ont été formés, et n’ont aucun caractère erratique. D’autres géologues ont imaginé de prétendus bassins, des anfractuosités du sol postérieurement remplies par des dépôts de sources ferrugineuses ; cependant ces sources, les supposât-on thermales, n’auraient pas été capables de produire les effets saisissans de métamorphisme qui se présentent à chaque