Page:Revue des Deux Mondes - 1864 - tome 53.djvu/951

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où notre liberté brille d’une pure et saisissante lumière, a un prix scientifique inestimable ; mais tous ne sont pas aussi faciles à montrer, à reproduire, à faire toucher du doigt en quelque sorte. Assurément le moindre acte de volonté, la simple résolution d’agir bien ou mal, un non énergiquement répondu soit à quelque mauvaise passion qui secrètement nous sollicite, soit à quelque corrupteur qui donne l’assaut à notre loyauté, voilà des marquas de notre liberté non moins éclatantes qu’un mouvement volontaire de mon bras ou de ma jambe. Ces marques, ces preuves directes plus fortes que l’argument le plus serré, on ne doit jamais les omettre quand il s’agit d’établir que l’homme n’est ni un rouage dans un mécanisme, ni un fait dans une série fatalement déroulée à l’infini, mais une personne et une cause. Ces preuves, M. Huet a eu raison de les invoquer. Toutefois le fait qui saute aux yeux a, pour convaincre, une puissance incomparable. Chacun le connaît; presque personne n’y prend garde. Chose singulière, il faut que le génie vienne signaler ce fait, et dès lors c’est comme un flambeau qui s’allume et qui répand la clarté sur toute une vaste région où régnait la nuit. Que les spiritualistes qui croient à la liberté n’éteignent aucun des flambeaux qui l’éclairent. Assez d’autres, sciemment ou non, se chargent de ce soin.

Ces derniers sont plus nombreux qu’on ne le pense. Ils passent inaperçus; disons mieux, on les aperçoit, mais au lieu de les craindre, on les admire, parce que les nouveautés, parfois bien anciennes, qu’ils présentent hardiment à une société avide de changement, cachent à celle-ci les conséquences de leurs idées et l’étendue de leurs négations. En relisant l’histoire de ce temps, la postérité assistera à l’étrange spectacle d’un même siècle frémissant de regret et d’espérance au seul nom de la liberté, et accueillant avec empressement des conceptions philosophiques qui ne vont à rien moins qu’à couper la racine du libre arbitre. Certes une telle destruction passe infiniment, grâce à Dieu, la puissance de l’homme; mais qu’importe, si l’âme libre se méconnaît et de sang-froid assimile les actes les plus nobles de sa vie morale aux mouvemens aveugles, aux irrésistibles combinaisons des particules chimiques? On vante à chaque instant l’observation et l’expérience. Qu’on les consulte, qu’on les interroge, rien de mieux; mais qu’on les interroge jusqu’au bout et qu’on les écoute toutes les fois et partout où elles parlent; on en arrivera alors à entendre soi-même et à faire entendre aux autres la voix de cette puissance invisible qui, dans chacun de nous, se détermine elle-même. C’est à quoi tend, en ses meilleures parties, le livre de M. Hippolyte Destrem qui s’intitule : Du Moi divin et de son action sur l’univers. A vrai dire, cet ou-