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argent ou aptitude physique, ni avec de pauvres journaliers que la misère a souvent dégradés ou découragés. N’oublions pas que les défauts s’aggravent chez l’homme placé dans une société inconnue qui n’exerce aucune autorité sur lui. Le jeune homme de bonne éducation qui a péché par indolence n’acquerra pas la force de caractère qui lui manque, et il y a beaucoup de chance pour qu’il perde le respect de lui-même. L’homme adonné à l’ivrognerie deviendra incorrigible, il vivra et mourra dans la débauche. Avec de telles gens, on ne peut rien créer; les colonies ne se fondent qu’avec l’élite d’une nation. Cette vérité a été bien comprise en Australie. Chaque province considère comme un de ses devoirs les plus importans de diriger elle-même l’immigration. A telle époque, on manque d’artisans, plus tard les laboureurs font défaut. Le temps n’est plus où chaque colon devait se suffire à lui-même et faire tour à tour tous les métiers. Il faut aussi maintenir une proportion convenable entre les deux sexes. La vente des terres domaniales promet pour longtemps encore de telles ressources aux budgets australiens que les provinces naissantes pourront introduire une population soigneusement triée à côté de la masse d’immigrans volontaires qui arrivent d’eux-mêmes aussitôt qu’une nouvelle région du continent est ouverte à la colonisation.


II.

Il serait injuste de méconnaître les services que pendant les premières années les convicts rendirent aux colonies australes. Faute d’ouvriers libres, les colons étaient heureux d’avoir ceux-ci à leur disposition. Grâce à cette main-d’œuvre d’un bon marché plus apparent que réel, de grands travaux publics furent exécutés, et la Tasmanie, où les déportés furent plus nombreux et restèrent plus longtemps que dans les autres provinces, profite des belles routes auxquelles ces hommes ont travaillé jadis. Si l’on rapprochait la dépense du résultat obtenu, on trouverait sans doute que ces travaux ont coûté infiniment plus que leur valeur réelle. Les convicts étaient des ouvriers à bon marché pour ceux qui les employaient, mais très onéreux pour le trésor public; cependant, en dépit de ces avantages, les colons libres réclamèrent l’abolition de la transportation dès qu’ils se virent en majorité. De 1835 à 1849, il y eut entre la colonie et sa métropole de longs débats qui amenèrent un ralentissement graduel de la transportation, et la firent définitivement supprimer.

Les colons avaient de nombreuses raisons à faire valoir contre l’introduction des convicts en Australie. Ils ne pouvaient circuler