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naissance ? Il y a lieu d’en douter. La plupart de ces anciennes associations surgirent d’une communauté d’intérêts et d’affaires. Des hommes rattachés entre eux par le lien des mêmes industries s’unirent à petit bruit pour établir certaines règles et pour suivre certaines mesures dont ils devaient tirer avantage. Plus tard, quand ils eurent acquis de l’influence et que l’utilité de leurs services fut généralement reconnue, ils s’adressèrent à l’état pour obtenir une sanction. La charte royale ne fit alors que reconnaître et consacrer des droits acquis, tout en y ajoutant certains privilèges. On est donc porté à croire que la confrérie des hommes de mer existait bien avant de recevoir le baptême de l’autorité : peut-être même remonte-t-elle au berceau de la navigation britannique ; mais pourquoi ce nom de Trinity House ? Est-ce parce que les premiers confrères se réunissaient à certains jours dans une chapelle consacrée à la Trinité ? Serait-ce parce que Henri VIII institua en même temps trois sociétés de marins, celles de Deptford, de Newcastle et de Hull[1] ? Le champ reste ouvert aux conjectures ; mais l’opinion la plus accréditée est que cette corporation s’appelait Trinity Board ou Trinity House à cause des termes de la charte même de Henri VIII, commençant par ces mots : « au nom de la très glorieuse et indivisible Trinité… » Plus tard, dans un autre acte, ce prince y ajouta l’invocation de saint Clément, et ce dernier nom servit aussi plus d’une fois à désigner la corporation ou guild. Il ne faut point perdre de vue que cette confrérie avait été fondée à l’origine sous l’inspiration des idées religieuses, peut-être même monastiques. Le devoir des membres de l’association était de prier pour l’âme des matelots noyés en mer et pour la vie de ceux qui luttaient contre la tempête. Henri VIII, dans les commencemens, lui conserva ce caractère, et astreignit même les frères et sœurs à certaines pratiques de dévotion. Un chapelain devait être élu et payé par l’association pour célébrer des messes. Dans la seconde moitié du règne de Henri VIII, le mouvement de la réformation ne tarda point à effacer ce qu’on appelait déjà ces restes de papisme. Du sentiment religieux qui avait présidé à sa naissance, la fraternité des marins ne garda guère que la charité : elle institua une école pour les enfans et une maison de refuge, almshouse, pour les vieux matelots indigens. Modifiée ainsi par le protestantisme, cette ancienne société catholique se dégagea des formes du moyen âge, et sépara le point de vue civil du point de vue mystique. Quel était après tout son but ? Augmenter la science des marins et développer la navigation du royaume.

  1. Ces trois sociétés jouissent d’assez grands privilèges, mais celles de Newcastle et de Hull ne représentent que les marins de ces deux ports, tandis que la Trinity House de Deptford est la corporation des armateurs et des marins de tout le royaume.