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et respectueuse, Galilée opposa à ses raisonnemens des objections modestes dont Urbain VIII ne parut nullement blessé ; le déclarant au contraire aussi savant que pieux, il lui conserva son affection et son estime. Lors de son départ, il écrivit au grand-duc : « C’est avec une affection paternelle que nous avons reçu notre cher fils Galilée. Sa gloire brille dans le ciel et sa réputation remplit la terre ; au mérite des lettres il réunit le zèle d’une piété sincère. L’abondance de nos vœux l’accompagne dans sa patrie, où, rappelé par vous, il retourne aujourd’hui. »

Sans se préoccuper des empêchemens et des dangers, Galilée, toujours pressé du même zèle pour le véritable système du monde, travaillait sans relâche à l’éclaircir et à le prouver ; d’irrésistibles argumens fermentaient dans sa pensée, et il souffrait impatiemment la loi du silence imposée par Paul V. Rassuré par l’amitié d’Urbain VIII, il osa pour la première fois, dans un ouvrage imprimé, traiter ces dangereuses questions, et publia ses dialogues sur le système de Copernic et de Ptolémée. La malicieuse finesse de sa préface est extrêmement habile, et l’on s’explique qu’elle ait pu tromper la prudence des censeurs inattentifs ou inintelligens qui approuvèrent le livre au nom de la cour de Rome. « On a, dit-il, promulgué à Rome, il y a quelques années, un édit salutaire, qui, pour obvier au scandale dangereux de notre siècle, a imposé silence aux partisans de l’opinion pythagoricienne du mouvement de la terre. Plusieurs personnes ont témérairement avancé que le décret est le résultat d’une passion mal informée et non d’un examen judicieux. On a prétendu que des théologiens ignorans des observations astronomiques ne devaient pas couper les ailes aux esprits spéculatifs. De telles plaintes ont excité mon zèle ; pleinement instruit de cette prudente détermination, je veux rendre témoignage à la vérité. Lorsque la décision fut prise, j’étais à Rome, où je fus applaudi par les plus éminens prélats. Le décret ne parut pas sans que j’en fusse informé. Mon dessein, dans cet ouvrage, est de montrer aux nations étrangères que sur cette matière on en sait en Italie autant qu’il est possible d’en imaginer ailleurs. En réunissant mes spéculations sur le système de Copernic, je veux faire savoir qu’elles étaient toutes connues avant la condamnation et que l’on doit à cette contrée non-seulement des dogmes pour le salut de l’âme, mais encore des découvertes ingénieuses pour les délices de l’esprit. »

Quoique les dialogues de Galilée soient composés avec un grand art et que l’on y retrouve à chaque page la netteté tout ensemble et la grâce de son esprit, les progrès des lumières et de la raison en ont rendu, il faut l’avouer, la lecture un peu difficile et fatigante : Galilée n’omet rien et se complaît à tout dire. La cause est gagnée